Du 20 au 27 août dernier, à l’initiative de l’association Les Ailes du désir, une quarantaine de poitevins se sont rendus à Venise pour visiter la 54ème Biennale des arts visuels, un événement essentiel en matière d’art contemporain.
Parmi eux, des enseignants, des amateurs de l’atelier peinture de Beaulieu, quelques participants inscrits aux cours de l’Ecole des Beaux-arts, des curieux intéressés par le panorama de l’art actuel que tente de définir la Biennale… Alexandre Chevrier, un jeune artiste qui vit et travaille à Poitiers, nous avait fait le plaisir de nous accompagner.
Malgré la canicule qui régnait fin août à Venise, chacun a effectué son parcours à son rythme, en commençant par les grandes expositions officielles dans les Giardini et à l’Arsenal ; ensuite, il s’agissait de se repérer parmi les pavillons nationaux disséminés dans la ville (89 nations représentées !) et les nombreux évènements « collatéraux », comme l’ «Ascension» d’Anish Kapoor à San Giorgio, les « Pietas » de Jan Fabre ou l’exposition d’Anselm Kiefer. Au programme étaient aussi prévues la visite du Palazzo Grassi et celle de la Pointe de la Douane, deux lieux où se déploient des œuvres de la Fondation Pinault lors d’expositions remarquables. Enfin, quelques îles de la lagune accueillent des expositions, c’est l’occasion de balades en bateau rafraîchissantes…
Pot de fin de séjour
La veille du départ nous avions organisé une réunion un peu arrosée pour échanger sur cette biennale. La quasi-totalité des participants était au rendez-vous.
Avec Philippe comme maître du jeu pour susciter la prise de parole, chacun était invité à s’exprimer sur ses coups de cœur, ses déceptions et ses réflexions.
Première biennale pour certains ou habitués, les participants dans l’ensemble y ont trouvé leur compte, quelques remarques cependant sur la densité des propositions difficile à assimiler et parfois le manque de pédagogie des présentations.
Les temps forts :
- le pavillon italien, à l’Arsenal : pour beaucoup, l’accumulation d’œuvres était indigeste, il était impossible de faire le tri et d’en apprécier le contenu.
Une tentative d’explication pourrait être le rôle des curateurs et des commissaires d’exposition, dont on oublie trop souvent le rôle de médiateur entre l’artiste et le public. Pour Alexandre qui nous aidait à démêler nos ressentis, l’intérêt d’une biennale comme celle de Venise qui est très conséquente, c’est aussi la possibilité de voir des œuvres dans différents types de lieux : ceux où effectivement il y a une certaine accumulation qui valorise moins l’œuvre en particulier, mais favorise en ce temps et espace condensés les découvertes, et d’autres où la mise en relation de l’œuvre avec le regardeur est davantage prise en compte (comme par exemple l’exposition du Palazzo Fortuny).
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l’Ascension d’Anish Kapoor (une colonne de fumée s’élevant à la croisée du transept de San Giorgio)
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les Pietas de Jan Fabre (où l’image de la pieta revisitée par cet artiste iconoclaste)
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James Turrel, dont la pièce présentée à l’Arsenal permettait au spectateur (pas plus de trois à la fois !) d’entrer littéralement dans la couleur.
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Anselm Kiefer, toujours attaché à la question du support (peintures suspendues sans châssis) et des matériaux (utilisation de plaques de métal, de photographies collées…).
Ces œuvres sont emblématiques des sentiments les plus opposés, certains ont été bouleversés et d’autres sont restés complètement extérieurs à ces œuvres. Les explications de chacun sont diverses, certains connaissaient déjà l’artiste et peuvent resituer son œuvre dans un parcours, le leur ou celui de l’artiste.
Alexandre nous incite à nous attarder sur les œuvres qu’à première vue on « n’aime pas », et à essayer de comprendre pourquoi elles nous rebutent ou nous laissent indifférents, c’est une démarche qui permet d’avancer dans la perception d’une œuvre.
Questions et réflexions prises au vol :
Beaucoup d’œuvres font appel à des techniques dignes des ingénieurs : comment dissocier, intégrer ces techniques dans la création artistique. (Boltanski, Kapoor…) ?
La relation Ville/Art contemporain est un plus à Venise, il y a une harmonie entre l’architecture, le patrimoine très riche de cette ville et l’art contemporain qui y trouve sa place, on circule avec plaisir de l’un à l’autre.
La Pointe de la Douane semble l’antithèse des Giardini, les œuvres y trouvent un espace non seulement « spatial » mais aussi temporel, propice au regard.
Est-ce pour cela que les « Gisants » ou la représentation de « Roxy » ont autant marqué les participants ?
Pour finir, une vidéo a beaucoup marqué les participants, il s’agit d’un montage très précis et très rapide à base de photographies, montrant des adolescents du Maghreb donnant à manger à des mouettes (David Claerbout, Sections of a happy Moment, que certains avaient eu l’occasion de voir lors de notre voyage à Bruxelles au printemps). Beaucoup ont été bouleversés par cette vidéo, la simplicité en a ému certains jusqu’aux larmes. Comme le souligne l’un d’entre nous : un film émouvant, sobre, poétique réalisé avec une relative économie de moyens.
C’est cela aussi la biennale de Venise, des moments d’émotion très intenses !
Pascal Bernard et Christiane Vigneau, Photos A. Chevrier