Article du carnet de bord

New-York : tambours sans tempête !

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Enfin, les Ailes étaient de retour à New-York, puisque la tempête Sandy avait empêché la réalisation de ce voyage fin 2012. Changement de saison pour les habitués : les couleurs « canadiennes », jaune, rouge, orangé, qui règnent en automne, avaient cédé la place à des arbres dénudés.

Ron, notre « docent* » de Storm King art center, a eu beau nous expliquer qu’on voyait mieux les sculptures ainsi, nous n’avons pas tous été convaincus ! Notre journée à la campagne – Storm King, grand parc de sculptures, le matin, et la fondation Dia à Beacon l’après-midi – a tout de même suscité l’enthousiasme des participants, épatés par les dimensions et l’envergure de chacun de ces hauts lieux d’art contemporain ; depuis notre dernier séjour à New-York, quelques changements ont éveillé notre intérêt : quelques pièces supplémentaires, d’autres déplacées, à Storm King, tandis qu’à Beacon, une exposition de sculptures de Carl André se mettait en place. Une expérience intéressante pour Claudie qui participe bientôt à Poitiers à l’accrochage du dernier épisode de l’Atelier de l’exposition.
 

Pour ce séjour et compte tenu des dates, ce n’est pas le MOMA qui était mis au premier plan, mais le Whitney Museum qui présentait sa Biennale. A l’image du musée qui l’organise, c’est l’art américain qui est privilégié : artistes connus ou inconnus, repérés, pas toujours très novateurs, mais certains sont agréables à retrouver, comme Sheila Hicks, qui partage sa vie et son travail de sculpteur entre New-York et Paris : le matériau favori de Sheila est ce qui touche au tissu, à l’étoffe (comme la pièce présentée dans la galerie de Chelsea ), ici une cascade de laine.

Charlemagne Palestine, américain vivant à Bruxelles que certains ont apprécié en tant que musicien, l’été 2012 au Normandoux à Tercé, avait disposé ses doudous et peluches sonores dans les escaliers.

L’étage affecté au jeune commissaire d’exposition Anthony Elms introduisait une vision un peu plus dérangeante en laissant s’exprimer des artistes comme Marc Fischer : celui-ci a orienté son travail autour de la personnalité de Malachi Ritscher (musicien et militant de la paix de Chicago qui s’est immolé par le feu en protestation contre la guerre en Irak en 2006). Mais dans l’ensemble nos amateurs n’ont guère été enthousiasmés par cette Biennale, qui s’étale certes dans les grands espaces du Musée mais ne parvient pas à déborder.

La plupart se sont consolés en visitant le MOMA dont la programmation reste fidèle à la réputation : l’exposition Gauguin avait le mérite de présenter des dessins et des ébauches, un aspect méconnu du travail de l’artiste. Le Guggenheim où l’architecture le dispute au contenu présentait une rétrospective de la photographe Carrie Mae Weems et de ses images tournant autour de la place des femmes et des afro-américains dans la société des années 70 peu encline à les valoriser, ainsi qu’une grande exposition du futurisme italien, que nous avons trop tendance à oublier (est-ce par chauvinisme ?).

 

Quelques-uns se sont rendus dans les galeries Perrotin et Lévy toutes proches pour visiter l’exposition Outrenoir de Soulages, avec des pièces nouvelles par rapport à l’exposition du Centre Pompidou.

Annexe « alternative » du MOMA, même si les squats d’artistes aux alentours ont disparu, PS1 présentait une exposition d’un metteur en scène/scénographe/plasticien/activiste allemand, Christoph Schlingensief (1950-2010), fils spirituel de Fassbinder, de Rudi Dutscke et de Matthew Barney tout à la fois, provocateur culturel et politique de ces dernières années, ex directeur de la Volksbühne et metteur en scène d’opéras à Bayreuth… : une découverte pour nos amateurs (tout comme l’autre exposition de PS1, l’artiste autrichienne Maria Lassnig) qui témoigne de la porosité des disciplines et du mélange des genres.

Avant ses visites incontournables, nous avions retrouvé Tony Guerrero, transfuge de PS1 que nous avions rencontré en 2006 et actuellement responsable artistique de White Box, un espace d’information, d’exposition, visant à faire connaître des artistes émergents mais sans fonction commerciale : actuellement, White box présente une belle exposition d’artistes palestiniens qui ne trouveraient pas ailleurs d’espace pour montrer leur travail ; comme les autres palestiniens, les artistes subissent la pression du contexte géopolitique et du mur, leur production en témoigne ; Tony a expliqué le fonctionnement de ce lieu qui dépend essentiellement de financements privés et du soutien d’amateurs d’art.

Muriel Guépin, autre française vivant à New-York, a décidé quant à elle d’y ouvrir une galerie ; fin 2012, nous aurions dû la rencontrer dans sa galerie de Brooklyn, elle a depuis emménagé dans ce quartier du sud Manhattan où le nombre de galeries est passé en six mois de 140 à 200. Nos amateurs ont apprécié son énergie et son enthousiasme pour soutenir ses artistes, ici un plasticien et une photographe ; pour faire vivre sa galerie et ses artistes, Muriel se dépense sans compter dans les différentes foires d’art contemporain, elle était ainsi à Paris pour Art Paris en mars dernier.

 

 Mais New-York reste New-York par ses changements permanents : se promener dans la ville offre de multiples occasions de percevoir cette évolution permanente et ses avancées architecturales ; certes, le quartier du World Trade Center est encore un gigantesque chantier dont on voit maintenant émerger le projet ; mais la High Line, toute proche de notre hébergement et de la 23ème rue, témoigne aussi du changement des habitudes des new-yorkais qui utilisent de plus en plus la marche à pied et la bicyclette, soignent l’environnement, organisent des petits jardins collectifs au pied ou au sommet des immeubles, parsèment la promenade d’œuvres d’artistes actuels, se nourrissent « organic »… Ou pour reprendre le titre d’un documentaire récent, New-York la révolution verte ?

Ceci au prix d’opérations de promotion immobilière visibles mais dont on ne saisit pas encore précisément les conséquences sociales ! De quoi alimenter les conversations lors des petits déjeuners du Leo House, notre hôtel de Chelsea à Manhattan, et des sujets de réflexion pour nos amateurs, alimentés par les visites des galeries de Dumbo à Brooklyn et de Chelsea, lorsqu'ils auront récupéré de la fatigue et du décalage horaire…

*docent : bénévole militant qui accompagne les visiteurs dans les musées et centres d’art américains en leur offrant une vision personnelle et subjective.