Article du carnet de bord

Canicule à Avignon et Arles

ombrelles à Arles

 Cet été les festivaliers d’Avignon ont retrouvé la chaleur torride qu’ils avaient oubliée depuis quelques années. Mais qu’importe la température extérieure lorsqu’on entame un marathon artistique comme celui d’Avignon !

Comme à chaque édition, les participants à une semaine des Ailes ont eu de grandes émotions, fait de belles découvertes, connu bien des surprises, et ont aussi été quelquefois déçus, décontenancés, voire plongés dans des interrogations métaphysiques.  Dès l’ouverture du Festival, Le Roi Lear dans la Cour d’honneur a suscité bien des critiques, partagées par nos premiers festivaliers ; les suivants y ont du coup été plus réceptifs. Shakespeare avait cette année particulièrement intéressé les metteurs en scène de théâtre : Richard III mis en scène par Thomas Ostermeier, Antoine et Cléopatre par Tiago Rodrigues, ces deux spectacles avaient de quoi réconcilier nos amateurs avec Shakespeare. D’autres évènements ont suscité débats et échanges entre les participants : après Le Vivier des noms, de Valère Novarina, ils étaient partagés entre incompréhension et émotion esthétique, tandis que Kristian Lupa (Des arbres à abattre) et Kirill Serebrennikov (Les Idiots) ont bénéficié d’un consensus favorable. Celles qui ont pu voir le Ubu itinérant d’Olivier Martin-Salvan ont apprécié la fraicheur de ce spectacle qui resitue l’épopée d’Alfred Jarry dans un milieu de sport collectif de haut niveau ; une pause salutaire avant de plonger dans des visions dramatiques de notre société avec notamment la chorégraphe Eszter Salamon ou avec Fanny Ardant dans Cassandre. Dans un registre comparable, Angelin Preljocaj, en  trio avec Laurent Mauvignier pour l’écriture et Adel Abdessemed à la scénographie, les a entrainés dans un Retour à Berratham, sombre et violente métaphore de l’histoire qu’ils ne sont pas près d’oublier.

Mais à Avignon, les plus belles découvertes sont aussi dans toutes ces manifestations qu’on pourrait qualifier d’accessoires : émissions de France-Culture dans le jardin du musée Calvet, avec transat et éventail à l’ombre de gr ands arbres, comme Ajax d’Heiner Müller ; programme Ça va ça va le monde de RFI, lectures de l’ADAMI, débats en tous genres, feuilleton philosophique d’Alain Badiou La République de Platon… Sans oublier les expositions : originale et amusante comme La lumière du photographe Fabrice Sabre, complexe comme les peintures de Guillaume Bresson, (extra)ordinaire comme le Jardin de sculptures de Laurent Baude ou encore La nef des images avec des productions audio-visuelles quelquefois insolites. Et l’hommage émouvant à Patrice Chéreau à la Fondation Lambert, où le metteur en scène était présenté en regard des œuvres de la collection Lambert. Sans compter les artistes plasticiens qui eux aussi travaillent dans la rue, festival oblige, comme le street-artiste Maté. Et les festivals parallèles, Avignon-off bien sur, mais aussi Contre-courant sur l’ile de la Barthelasse, Résonance au pont St-Bénezet, Villeneuve en scène…

Il fallait bien trouver aussi  une journée dans la semaine pour aller visiter les nombreuses expositions des Rencontres photographiques d’Arles ; ce n’était pas de trop pour retrouver Walker Evans et Stephen Shore ou encore Raimond Hains, découvrir un aspect inédit de Tony Oursler à travers sa collection étonnante, se balader dans des architectures variées – prélude à l’édification du futur Centre d’art de la fondation Luma auquel travaille Franck Gehry -,  et dans des pays lointains ou imaginaires (Martin Gusinde)…

Ceux qui ont pu dégager du temps en ont profité pour aller se rafraichir au bord de la Sorgue et retrouver à l’Isle-sur-la-Sorgue la Villa et la Fondation Datris ; l’exposition de l’été, Archi-sculpture, présentait des créations architecturales (Le Corbusier, B. Tschumi, Shigeru Ban, Odile Decq…) et des œuvres de sculpteurs, la plupart célèbres mais pas vraiment « à la mode » en ce moment : Etienne-Martin, Chillida, Denis Pondruel, les Poirier, Morellet, Nicolas Schöffer, Wim Delvoye…

Si les festivaliers ne pouvaient pas emmagasiner la chaleur pour l’hiver, ils ont fait provision d’images et de sons, assez pour alimenter de longues soirées d’ici le prochain festival !