L’aventure de l’art … ou l’art de l’aventure !
Notre week-end à Lyon s’est transformé en véritable expédition, compte tenu des retards à la SNCF qui nous ont fait passer beaucoup de temps dans les trains et les gares, peut-être pour apprécier l’architecture de la gare de St-Pierre-des-corps ou le design de sa salle d’attente !
Heureusement, nous avons pu visiter l’essentiel des expositions de la Biennale, en commençant par la plus importante en surface utilisée, celle de la Sucrière ; dès l’entrée dans cet ancien entrepôt portuaire, la pièce d’Ulla von Brandenburg nous faisait passer de l’autre côté du rideau de scène, depuis le plateau, pour découvrir les œuvres ; un certain nombre d’entre elles poursuivaient cette tendance à la théâtralité en intégrant des performances, en "live" (Ernesto Ballesteros) ou enregistrées (Dominique Petitgand) ; de fait, chacun d’entre nous suivant son parcours à son rythme, nous n’avons pas tous vus les mêmes moments de ces performances ni les mêmes aspects des œuvres: l’occasion d’échanger entre nous nos impressions forcément particulières, de ressentir quelquefois une légère frustration, mais surtout de percevoir la polysémie de chaque proposition artistique. Parmi les œuvres émanant pour la plupart de jeunes artistes venus de partout, quelques "incunables", figures tutélaires ou références à la permanence du geste artistique, comme Breath (Samuel Beckett/Daniela Thomas), la série d’œuvres du brésilien Arturo Bispo Do Rosario, ou Recherche sur l’origine, une très grande pièce de Robert Filliou comme on a peu l’occasion d’en voir ; autre œuvre imposante, Stronghold, de Robert Kusmirowski : architecture circulaire et inaccessible emplie de livres en désordre, poids de la mémoire vacillante. Un certain nombre d’artistes invités présentaient des œuvres dans différents espaces de la Biennale, ce qui permettait d’entretenir avec eux comme une relation familière : Michel Huisman, Marlène Dumas et ses peintures ou Elly Stryk et ses dessins, ou des artistes qui ont bénéficié au préalable d’une résidence à Lyon, comme Tracey Rose et ses vidéos.
Les mêmes principes instaurées par la commissaire de la Biennale, Victoria Noorthoorn, se retrouvent bien entendu dans les autres lieux ; au Musée d’art contemporain, où les dessins de Giacometti semblent soutenir ceux de jeunes artistes, et où La Bruja (La Sorcière), œuvre du brésilien Cildo Meireles, déploie au dernier étage 3000km de fil en structurant l’espace dans lequel exposent d’autres artistes, véritable scène artistique contemporaine ; à la Fondation Bullukian, où Yona Friedman présente une sculpture de carton, à la fois mobilier et architecture, support et projection; enfin, à l’usine T.A.S.E., lieu d’exposition ouvert à l’occasion de cette Biennale. Ancienne fabrique de soie artificielle, l’usine T.A.S.E. fait l’objet d’un projet d’urbanisation à l’échelle du quartier Carré de soie Lyon/Vaux-en-Velin.
Dès l’arrivée, le visiteur est accueilli par Marienbad, jardin à la française de Jorge Macchi, et par New Development, espace en trompe-l’œil de Lucia Koch, deux pièces qui prennent place au centre d’une zone dévastée encore totalement en friche. A l’intérieur, l’ironie qui, tels les cailloux du Petit Poucet, parsème l’ensemble de la Biennale, s’épanouit avec Gala Chicken and Gala Coop, le poulailler conçu par Laura Lima, avec son coq et sa trentaine de poules.
Pour compléter ce panorama de la création contemporaine plein d’énergie et de vivacité, mais aussi de doute et de questionnement, qui justifie ce titre de Biennale "Une terrible beauté est née" le Musée des Beaux-arts de Lyon présentait, outre ses très riches collections permanentes, une rétrospective de l’œuvre d’Etienne-Martin et une exposition de la collection Antoine de Galbert, "Ainsi soit-il" : un ensemble d’œuvres de référence auxquelles les pièces présentées à la Biennale faisaient écho. En période de Biennale, la plupart des institutions lyonnaises proposent expositions et manifestations diverses, comme Résonance, sorte de Biennale off initiée par des galeries d’art ; mais un week-end ne suffisait pas pour apprécier toute l’offre de la ville en matière de création contemporaine.
L'étalement dans la ville des différents sites, la facilité pour se rendre d'un site à l'autre grâce à cette superbe idée de la navette fluviale, font de Lyon une ville qui partage l'évènement peut-être plus que d'autres. Pour preuve, la mixité des visiteurs : jeunes d’origine diverse, familles… comme quoi l'art contemporain peut être accessible à tous.
La multiplication des lieux d’exposition sert ainsi de fil conducteur pour visiter la ville de Lyon, ce que n’a pas manqué de faire notre petite vingtaine de voyageurs des Ailes, de la place des Terreaux habillé par Buren avec l’opéra revu par Jean Nouvel à la place Bellecour, en passant par la place des Célestins et son parking souterrain également doté d’une pièce signée Buren ; sans oublier le nouveau quartier Confluence, en devenir, que la pluie nous a empêchés de bien apprécier ; les plus courageux ont même grimpé la colline de Fourvière ! Pas question non plus de venir à Lyon en oubliant la gastronomie : samedi soir, les amateurs d’art des Ailes du désir se sont penchés sur la question dans le cadre de quelques fameuses brasseries lyonnaises… L‘occasion de retrouvailles entre poitevin(e)s d’aujourd’hui et d’hier, ou quand les Claudie(s) et les Monique(s) retrouvent Rachel et Philippe…