Les Ailes du désir étaient à Paris le week-end de la Nuit des Musées ; pour l’occasion, un périple était prévu en Ile-de-France pour visiter quelques espaces d’art contemporain éloignés sous un soleil que nous imaginions au rendez-vous. Nous n’étions pas nombreux cette fois-ci au départ de Poitiers mais quelques-uns de nos amateurs ailés parisiens nous ont rejoints en cours de route.
Première excursion en arrivant à la gare Montparnasse, la Villa Vassiliev ; ce nouveau centre culturel ouvert au public depuis à peine trois mois, s’il est tout près de Montparnasse, nous a fait voyager dans le temps : au fond d’une cour bordée de rosiers odorants, cet espace charmant entend renouer avec l’histoire du lieu (atelier de la sculptrice Marie Vassiliev transformé en Académie artistique au début du 20ème siècle) en invitant artistes et chercheurs à poser un regard contemporain sur les ressources passées et présentes du quartier ; outre l’exposition inaugurale Groupe Mobile qui met en relation des artistes contemporains et le Fonds de photographies Marc Vaux, la Villa invite des artistes en résidence comme actuellement Andrea ANCIRA. Une adresse (21 avenue du Maine) à retenir lorsqu’on arrive à la gare en avance !
Notre petit groupe s’engage ensuite dans le métro (ligne 13) direction Porte de la Chapelle pour emprunter le bus 350 jusqu’à l’arrêt Lenine, en bordure de l’aéroport du Bourget. C’est là que la galerie Gagosian (le galeriste international qui a fait connaître au monde entier les artistes américains de la deuxième moitié du 20ème siècle) a installé un lieu d’exposition en réutilisant un hangar d’avion ; actuellement y est présentée une exposition de Romuald HAZOUME, un artiste béninois d’origine Yoruba ; utilisant tous les mediums, des objets trouvés recyclés et bricolés à la vidéo en passant par la photo, l’artiste adapte les outils de l’art africain aux réalités contemporaines, libérant par exemple les masques de leur contenu rituel au profit d’un aspect politique. Dans l’espace immense s’épanouissent quelques pièces monumentales, ripostes cinglantes au paternalisme occidental envers la société africaine.
Du Bourget il n’y a qu’un pas et un trajet du bus 152 puis du bus 249 pour atteindre sous le soleil la galerie Thaddeus Ropac de Pantin, ancien entrepôt industriel ; petite halte pour un café bienvenu au soleil, et accueil dans un grand espace séparé en trois nefs qui met en valeur le travail du sculpteur Tony CRAGG : la réalisation technique de ces sculptures, la sensualité des matières utilisées et l’équilibre des formes qui en découlent ont épaté nos amateurs ailés. Dans le bâtiment annexe, la galerie propose Wasteland, new art from Los Angeles : quatorze artistes de L.A. engagent un dialogue sur la poétique du désespoir en référence au poème fondateur du modernisme de T.S. Eliot The Waste Land
Retour à Paris et direction Le Grand-Palais pour ouvrir la Nuit des Musées. Le temps se couvre et la fatigue se fait sentir, nous n’y verrons que deux expositions. Carambolages, conçue par Jean-Hubert Martin, nous permet de passer un moment agréable et divertissant en mettant en relation des productions qui n’auraient a priori aucune qualité pour prétendre à cette confrontation : un jeu de dominos de Boucher à Annette Messager, de Rembrandt à Man Ray et à des œuvres anonymes.
Dans la grande nef se tient Monumenta, une invitation à un artiste de renommée internationale pour concevoir une œuvre spécialement pour ce lieu immense ; cette année, HUANG YONG PING, véritable fondateur de l’art contemporain en Chine, a relevé le défi avec Empires, paysage constitué de huit collines de conteneurs qui d’entrée bouchent la vue sur la nef (l’empire économique d’aujourd’hui inspiré par le port du Havre) , d’un serpent métallique soutenu par une grue (écho à la structure d’acier de l’immense verrière) et d’un bicorne posé sur une arche en référence à Napoléon à la bataille d’Eylau. Spectaculaire certes, accessible aussi car l’allégorie est claire, voire redondante avec le bicorne. On a connu des éditions de Monumenta plus séduisantes, mais celle-ci renvoie une image du monde actuel des plus réalistes : est-ce un message pour que les grands de ce monde prennent conscience que les empires connaissent la chute ?
Après le soleil, la pluie… Dimanche elle a accompagné Les Ailes du Centre Pompidou aux galeries du Marais et à Montrouge ! Au Centre Pompidou se tient l’exposition Paul KLEE, l’ironie à l’œuvre : une rétrospective axée sur la manière dont Klee réagissait à l’idéologie ambiante avec une ironie le plus souvent ignorée tant la technique de l’artiste (sujets proches de l’enfance, virtuosité dans le jeu des couleurs et la simplicité des formes…) a pris le dessus dans le regard du spectateur ; de la satire à la dénonciation en passant par la marionnette, l’œuvre de Klee a encore beaucoup à nous apprendre.
Petit tour sous la pluie dans les galeries du Marais ouvertes le dimanche à l’occasion de la manifestation Choices : la galerie Templon présente des toiles abstraites explosant de couleurs de l’artiste allemand Franz ACKERMANN dont certaines intègrent collages et découpages de photos.
Pour poursuivre notre parcours de samedi, visite de la galerie Thaddeus Ropac rue Debelleyme, qui si elle est moins vaste que celle de Pantin, déploie quand même ses expositions sur quatre niveaux ; sur trois niveaux, la galerie présente des œuvres récentes de Robert LONGO, sculpture et dessins grand format au fusain ; certains de ces dessins, réalisés d’après des images aux rayons X de grands maitres, comme la chambre de Van Gogh, révèlent des détails insoupçonnés et rendent compte de l’invisible dans ces images. Au dernier étage de la galerie est présentée une exposition de dessins de STURTEVANT(artiste américaine décédée en 2014), regard et confrontation avec les œuvres de ses contemporains comme Lichtenstein, Rauschenberg ou Jasper Johns.
Dernier épisode, le Salon de Montrouge : pour sa 61ème édition, le Salon qui s’est fait une spécialité de dénicher et révéler les artistes de demain a fait peau neuve avec une nouvelle mise en espace et une nouvelle identité visuelle, mais sans perdre son esprit. Toujours le Salon lui-même qui montre une jeune génération d’artistes émergents pleins de créativité, et une exposition consacrée à un invité d’honneur, lequel cette année est remplacé par une exposition collective en hommage au Cabaret Voltaire où fut créé le dadaïsme : de Kader Attia à Marthine Tayou, de Janco à Présence Panchounette, c’est un plaisir de retrouver leurs œuvres réunies pour l’occasion.
Il se passait plein de choses à Paris et nous regrettons de n’avoir pu en voir davantage, mais il a bien fallu sortir le parapluie pour revenir à la gare Montparnasse et regagner Poitiers, envieux de nos amis parisiens qui n’ont pas fini de faire des découvertes…