De retour de New-York, notre habituel retour aux sources dans une capitale culturelle mondiale ! Après un tour dans la ville malgré la grisaille pour découvrir ou retrouver quelques-uns des sites touristiques essentiels, c’était parti pour les hauts lieux culturels conseillés par Les Ailes du désir :
Le Museum Of Modern Art ou MOMA : outre les expositions temporaires, le musée présente une sélection d’œuvres de sa collection permanente, pour l’occasion des années 1880 aux années 1950, parmi lesquelles nous retrouvons des pièces de Monet, Van Gogh et sa Nuit étoilée, Cézanne et la Nature morte aux pommes, Giorgio de Chirico, ou encore une étonnante peinture de Man Ray de 1916 La Danseuse de corde et ses ombres, et parmi les générations suivantes, Lichtenstein, Albers, Pollock, Rothko… On ne sait où donner du regard ! Les expositions temporaires proposent un chemin plus balisé : la rétrospective Charles White qui s’est attaché pendant toute sa carrière à représenter des « images de dignité » des Afro-américains ; l’exposition consacrée au mouvement de la Judson Church Le travail n’est jamais terminé, bien que nous n’ayons pu voir aucune performance liée à l’exposition faute de temps ; la réflexion de l’artiste suisse Peter Fischli Si tout est sculpture pourquoi faire de la sculpture ? ; et le premier épisode des « actes disparus » de Bruce Nauman, l’essentiel de cette exposition se déroulant à PS1, second lieu du MOMA dans le Queens. Ceux qui ont ainsi traversé l’East River pour visiter PS1 ont retrouvé les pièces historiques de l’artiste, depuis les vidéos Good boy bad boy, Clown Torture ou Wall Floors, jusqu’aux installations, en passant par les néons comme Eat war ; l’exposition se clôture sur Contrapposto studies, une série de vidéos que l’artiste a réalisées de 2015 à 2018 qui témoigne de la virtuosité acquise par l’artiste dans la manipulation des images.
Nous avons pour la plupart enchaîné avec le musée d’art américain Whitney Museum dans son nouveau bâtiment conçu par Renzo Piano entre l’Hudson et la High Line (coulée verte en lieu et place d’une voie ferroviaire aérienne) ; la sélection de la collection permanente s’intitule Où nous sommes et fait la part belle à des artistes américains que nous connaissons peu à part Stella ; de même pour l’exposition temporaire Règles, codes et chorégraphies dans l’art de 1965 à 2018, où Nam June Paik, Albers ou Sol Lewitt côtoient des artistes moins connus en Europe. Une autre exposition temporaire est consacrée à Mary Corse, une artiste du mouvement Light and Space pour qui la lumière peut être à la fois sujet et matériau de l’art : l’occasion de rétablir une reconnaissance à cette artiste moins connue que ses collègues masculins comme James Turell ou Bruce Nauman.
Le musée Guggenheim de New-York est en lui-même un chef-d’œuvre par son architecture dessinée par Frank Lloyd Wright ; mais il présente en ce moment une remarquable exposition de l’artiste suédoise Hilma af Klint, Peintures pour l’avenir ; l’artiste qui a surtout produit dans la première partie du XXème siècle tenait à ce que ses œuvres ne soient montrées que 20 ans après sa mort (1944), mais elle a été oubliée entre-temps et il fallut attendre encore une vingtaine d’années pour qu’elle soit enfin reconnue ; certains d’entre nous avaient déjà vu l’exposition Peindre l’invisible à la galerie Serpentine de Londres lors d’un voyage des Ailes en 2016 ; cette exposition, installée de façon chronologique et pédagogique tout au long de la rampe du Guggenheim, confirme la place occupée par l’artiste dans l’art abstrait.
Ceux qui n’ont pas encore été atteints par le syndrome de Stendhal ont poursuivi le marathon de l’art au MET (Metropolitan museum) : la sélection y est obligée, tant les collections sont diverses, depuis la section égyptologie et le temple de Dendur, ses collections antiques et médiévales, orientales et asiatiques, les galeries de peinture et sculpture occidentales… Sans oublier les expositions temporaires, comme la rétrospective Delacroix ou Les chefs-d’œuvre de la peinture hollandaise au MET avec ses Vermeer, Rembrandt, Rubens… Avec en outre une section art moderne et contemporain qui se prolonge dans le MET Breuer (où était établi le Whitney museum avant le nouveau bâtiment) : Matisse, Picasso, Miro, Hopper, Louise Bourgeois, El Anatsui, Kapoor, Caro, Warhol, Lichtenstein, Kelly… Le MET Breuer consacre une exposition à l’artiste récemment décédé Jack Whitten et à ses sculptures réalisées de 1963 à 2017, Odyssey ; une autre exposition Tout est connecté : art et complot, met en exergue les artistes qui dans les cinq dernières décennies, se sont attachés à mettre en évidence la corruption politique et la manipulation des médias.
On renfile les baskets pour un dimanche à Philadelphie : l’objectif de cette escapade dominicale est de visiter la célèbre collection Barnes, dont le Grand-Palais avait présenté une sélection en 1993 ; la collection a été installée en 2012 à Philadelphie dans ce nouveau bâtiment selon les indications du collectionneur, soit telle qu’un cabinet de curiosités mélangeant styles et époques : grand débat parmi les amateurs ailés, certains regrettant le manque de pédagogie de l’accrochage, d’autres au contraire appréciant la confrontation d’œuvres diverses faisant resurgir des références plus personnelles ! Bien sûr, la richesse de la collection finit par provoquer quelques allergies : plus de 180 Renoir par exemple, à la limite de l’indigestion… Si certains ont visité la collection de bout en bout jusqu’à une heure avancée dans l’après-midi, d’autres ont profité du temps libre pour visiter la ville de Philadelphie, haut lieu historique des Etats-Unis (et première capitale de 1790 à 1800) : l’Indépendance Hall où furent signés la Déclaration d’indépendance et la Constitution, l’Eastern State Penitentiary où séjourna Al Capone, les chemins pavés de Society Hill… ou pour les plus courageux, visite du Phila Museum, un des plus beaux musées des USA qui abrite entre autres la plus grande collection au monde d’œuvres de Duchamp ! Même pour ceux qui n’ont pas préparé leur excursion et ne se sont pas munis d’un plan, il y a toujours à voir dans la 5ème ville des Etats-Unis ! Elle a aussi la réputation d’être une capitale gastronomique et musicale (et de shopping, car sans taxes), ce sera pour une autre fois... Personne n’a manqué les sculptures de Robert Indiana devenues symboles de la ville « de l’amour fraternel » (ce que signifie Philadelphie), Love et Amor, en bonne place devant l’hôtel de Ville et le siège de la Grande Loge. Heureusement, personne n’a souhaité se rendre à Camden, ville limitrophe juste de l’autre côté du fleuve Delaware, une des villes les plus dangereuses au monde : surprenant face à l’aspect calme et bourgeois de Philly !
Autre escapade plus bucolique le lendemain en direction du nord, à Storm King art center et Dia Beacon ; pour l’occasion nous sommes accompagnés d’artistes : outre Monique Tello qui fait le voyage avec nous, Dominique Robin, new-yorkais d’adoption mais poitevin toujours, nous rejoint ; on peut voir à Poitiers une de ses œuvres Carbon Flower dans la Vitrine des Ailes, et pour quelques jours encore son exposition Pierres et puzzles au musée du tumulus de Bougon. Il fait frisquet, mais le soleil encore timide nous accompagne aussi. Première escale à Storm King art center, un immense parc de sculptures en extérieur et aussi paysage sculpté au sens du Land art, où s’égrènent des œuvres des plus grands sculpteurs actuels, de Goldsworthy à Di Suvero en passant par Smith et Serra. Nous retrouvons Jim qui fait office de docent (accompagnateur bénvole) auprès des amateurs ailés non anglophones (c’est un ancien prof de français !) et Mike, docent pour les anglophones (ils sont peu nombreux dans le groupe !), jeune artiste lui aussi impliqué dans le soutien à Storm King art center. Belle balade revigorante dans les couleurs d’automne des forêts du nord soulignées par les sculptures !
De l’autre côté de l’Hudson, à Beacon, nous attend la fondation Dia : installé dans une ancienne usine d’impression, le musée présente une collection permanente et des expositions temporaires sur plus de 2 ha, œuvres pour l’essentiel minimalistes et conceptuelles des années 1960 à aujourd’hui, exposées dans des salles dédiées chacune à un artiste et adaptées aux œuvres présentées : c’est le cas pour Torqued Ellipses de Richard Serra, monuments for V. Tatlin de Dan Flavin, ou encore lors de notre visite pour The Broken kilometer de Walter de Maria dans les nefs centrales, quand le grenier est réservé à Louis Bourgeois où une araignée géante trouve sa place naturelle. L’espace est magnifique, en lumière naturelle, et permet de prendre la mesure des démarches artistiques.
Retour à New-York pour reprendre haleine ; mardi nous nous rendons en petit groupe chez Dominique ROBIN dans l’Upper East Side, près de l’université de Columbia ; son atelier n’est pas grand, mais il a sur place quelques œuvres qu’il dévoile à nos amateurs ; comme pour l’exposition actuellement présentée à Bougon (au printemps elle sera à New-York), il est fidèle à une idée fondamentale qui guide son travail : c’est le geste de la main sur l’outil qui a permis le développement du cerveau ; les morceaux des pierres brisées depuis des millénaires qu’il collecte et reconstitue comme un puzzle lui permettent de retrouver une part de ce geste créateur : chaque fragment devient une syllabe, chaque pierre devient un mot (partout sur la planète, le premier mot apparu est quoi ?) ; les pegmatites graphiques se prêtent particulièrement à ce jeu de langage, Dominique ajoute aussi de l’écriture dans ses installations. D’autres principes de base l’inspirent : la création d’une nouvelle planète tient à l’explosion d’une étoile, la création de Carbon flower est provoquée par la forme expansive des lignes. La place du carbone dans l’évolution de la planète et de l’être humain l’intéresse, voire l’inquiète : qu’il utilise le crayon graphite ou l’huile de vidange, il tourne autour de la question. Si le cerveau de l’être humain est programmé pour mettre en forme les informations visuelles en une structure signifiante et « voir » des visages dans la nature, dans des paysages ou n’importe quel objet (pareïdolie), il s’agit d’avoir une posture critique face à ce phénomène. Pour ce qui est de l’art, il convient toutefois d’être très modeste dans le domaine des idées ! Une mise à distance du temps serait nécessaire, et Dominique s’efforce de conjuguer ses recherches sur l’espace avec celles sur le temps.
Sur les conseils de Dominique, certains ont visité l’exposition sur La représentation des noirs dans l’art depuis Monet et Renoir jusqu’à nos jours, à la galerie Wallach, partie intégrante de l’université de Columbia : plusieurs Monet, quelques Matisse, des photographies de Nadar, quelques œuvres contemporaines, éclairent le propos ; l’exposition sera présentée au Musée d’Orsay, partenaire, au printemps 2019.
Bientôt la fin du séjour ! D’autres musées nous attendent encore et nous ne les visiterons pas tous : le NewMuseum, ouvert depuis dix ans dans le sud de Manhattan, fait la part belle à de jeunes artistes, la britannique Sarah Lucas ou le turc Asli Çavişoglu préoccupé comme Dominique Robin par les objets ou symboles qui ont traversé les temps ; l’ICP (Institut de la photographie) qui présente une exposition The Run-off of time de Eugene Richards ; les musées de Brooklyn, le Studio-Musée de Harlem… La plupart choisissent plutôt les visites de galeries, celles de Dumbo au pied du pont de Brooklyn ou celles de Chelsea, le quartier où nous habitons à New-York : il y a même un vernissage à la galerie Gagosian où est présenté New Capri, Capri, Free Capri, œuvres récentes du californien Mark Grotjahn ; la galerie Paula Cooper montre un choix d’œuvres de ses artistes favoris à l’occasion de son 50ème anniversaire dans son espace principal ainsi qu’une exposition dans la petite galerie consacrée à Peter Moore, photographe des années 68 dont il a capté l’esprit avec ses images du Living Theater, de La Monte Young, d’Andrei Serban et La Mama, complétant ainsi l’exposition du MOMA sur la Judson Church. Esprit dont on trouve encore des traces dans la ville, passant ainsi par hasard devant Dream’s House, de La Monte Young : la petite porte banale ne donne pas l’impression d’ouvrir sur une maison de rêve, mais pour le moment elle est fermée, il faudra revenir !
Pour fêter la fin du marathon art contemporain, certains se sont lancés dans une autre épopée, Halloween : grosse ambiance et mouvements de foule assurés quand on ne reste pas bloqué dans le métro… Ouf, on a récupéré tout le monde !
Oui, New-York est intarissable pour ce qui est de l’art, les participants au voyage sont même revenus un peu frustrés, mais sûrement avec l’intention d’y retourner !