Article du carnet de bord

Il se passe toujours quelque chose à Londres !

street art à Londres

Il se passe toujours quelque chose à Londres ! Profiter d’un grand week-end ensoleillé pour goûter cette effervescence artistique, c’est ce que proposaient Les Ailes du désir début mai.

Dès le premier jour, en route pour la City où au milieu des immeubles de bureau  se trouve le Barbican Center, centre culturel doté de plusieurs salles de spectacles et d’expositions. L’exposition Strange and familiar, conçue par Martin Parr, présentait des images du Royaume-Uni prises par les plus grands photographes internationaux, de Cartier-Bresson à Robert Franck en passant par Garry Winogrand, Raymond Depardon ou Candida Höfer parmi d’autres encore. Un ensemble représentatif de photographies était présenté pour chaque artiste, et l’exposition permettait de comparer leur  travail : art de la composition chez Cartier-Bresson, humanisme et cinématographie chez Depardon, sens de la mise en scène associé au réalisme chez Tina Barney… Mais c’est surtout le goût de l’expérimentation du chilien Sergio Larrain qui a frappé les amateurs des Ailes comme Marie et Hervé : perspectives angulaires, cadrages brusques, double exposition, usage du flou, expressivité alliée à un sens intrinsèque de la poésie…

 et Hervé devient ... Le Barbican présentait aussi une exposition d’Imran Qureshi, un artiste pakistanais dont les exquises miniatures de la série Où les ombres sont si profondes  ont particulièrement séduit Mathilde et Pascal.

Enfin, pour prolonger peut-être la question de l’identité britannique soulevée par Strange and familiar, l’installation interactive Towards the Mean conçue par Marianne Holm Hansen et Seth Scott, explore l’idée d’identité dans une société multiculturelle et mondialisée en superposant les portraits des spectateurs.

Quittant la City, nous nous sommes rendus à Whitechapel  gallery qui présentait  Electronic Superhighway 2016/1966, une grande exposition réunissant plus de 100 œuvres pour montrer l'impact des technologies informatiques et Internet sur les artistes du milieu des années 1960 à nos jours et sur leur production, qu’elle soit multimedia, cinématographique, de dessin ou peinture ou encore photographique ; un ensemble non exhaustif qui compte quelques grands absents comme Bill Viola, Wolf Vostell ou Bruce Naumann, mais qui permet de prendre la mesure de la porosité entre toutes les formes d’expression artistique ; et nous avons revu avec plaisir Grosse fatigue de Camille Henrot (Lion d’argent à Venise 2013) et découvert la dernière œuvre d’Haroun Farocki, Parallel I-IV.

Il se passe toujours quelque chose à Tate Modern ! Bien qu’en travaux –la construction d’une aile supplémentaire bouleverse les espaces et défend l’accès au Turbine Hall -, la Tate Modern présentait une partie de sa collection permanente et deux expositions temporaires ; Performing for the camera retraçait une histoire de la performance à travers la photographie (et la vidéo dans une moindre mesure), seul moyen de conserver la mémoire d’un art par essence éphémère, malgré quelques lacunes (Cut de Yoko Ono, ou  Orlan)  : du saut dans le vide d’Yves Klein aux autoportraits d’Erwin Wurm en passant par les manipulations photographiques de Richard Salked, la représentation de la performance prête souvent le spectateur à sourire ; si la danse a été à la fois liée à la performance corporelle et source d’inspiration pour des photographes, il faut attendre la naissance du buto au Japon pour que chorégraphe/danseur – Hijikata – et photographe –Eikoh Hosoe – soient "co-auteurs" de la performance, qui se confond avec sa représentation.

La plupart des amateurs des Ailes ont profité de ce passage à Tate Modern pour revoir l’exposition consacrée à l’artiste d’origine palestinienne Mona Hatoum,  présentée l’année dernière au Centre Pompidou à Paris.

Continuant la promenade sur les bords de la Tamise, nous avons rejoint le nouvel espace de White Cube qui présentait une exposition Baselitz : dans ce bel espace aux dimensions généreuses, les peintures de l’artiste s’épanouissent.

La « Travelcard » dont nous disposions pour utiliser tous les transports en commun nous a permis ensuite de gagner le sud de Londres où dans des quartiers improbables fleurissent galeries et ateliers d’artistes : ainsi à SouthLondon gallery, nous avons visité I Lost Track of the Swarm, de Paul MAHEKE, un jeune artiste qui nous a reçus au sein de son exposition. Paul Maheke, d’origine franco-congolaise, a bénéficié d’une résidence proposée par la galerie pour mettre en œuvre ce projet ; il n’en est pas à sa première expérience internationale, puisqu’à la sortie de l’Ecole Nationale des arts de Cergy il a effectué un séjour de deux ans au Canada ; il a aussi séjourné en résidence à Vassivière et a passé trois mois l’été dernier en résidence à Berlin. Ce temps de résidence à Londres lui a permis de réaliser ce projet et de l’adapter à l’espace de la galerie pour cette exposition de sortie de résidence. Trois écrans diffusent des images de l’artiste lui-même également performer (il pratique la danse depuis plusieurs années), sous un plafond lumineux renfermant de faux cafards en caoutchouc, des herbes et des graines et des cheveux synthétiques ; la lumière naturelle est juste filtrée par des rideaux devant les baies vitrées, tandis que dans l’espace voisin le spectateur peut entendre la composition sonore de Ntisi, elle-même londonienne d’origine africaine, assis ou couché sur un confortable tapis (nos amateurs ne s’en sont pas privés) ; à travers cette installation, Paul s’interroge sur ses origines et son identité ; il établit ainsi une passerelle fragile et discrète avec le quartier environnant et entre des générations différentes.  Pour le petit groupe qui avait réussi à atteindre la galerie à pied, en bus et en métro (malgré quelques difficultés d’orientation !), cette visite s’inscrivait tout naturellement dans le prolongement de la visite de Performing for the camera à Tate Modern le matin même ! Autant pour la performance de l’artiste en tant que danseur que pour le côté éphémère de l’installation réalisée pour les espaces de la galerie et que Paul devra revisiter si elle est présentée dans un autre cadre. Ce qui ne décourage pas l’artiste qui a décidé de s’installer à Londres où il trouve un climat stimulant pour sa production.

 

Avant de quitter Londres, belle balade dans Hyde Park en voisins (notre hôtel est situé tout près) pour visiter les galeries Serpentine ; la galerie Serpentine présentait une rétrospective de l’œuvre de Hilma Af Klint, pionnière suédoise de l’art abstrait ; ses œuvres n’ont peut-être pas suscité une grande émotion chez nos amateurs, mais il faut noter que très en avance sur son temps, sa démarche la conduisait dès 1907 à réaliser des peintures comparables à celles des Delaunay des années plus tard ! La galerie Sackler Serpentine a rouvert depuis peu suite aux travaux d’extension confiés à Zaha Hadid, et présentait  une exposition d’un duo de femmes artistes allemandes, Das Institut ; il s’agit là d’un travail très actuel et engagé, utilisant toutes sortes de techniques et de mediums (photogrammes sur toiles de lin et laine, collages, vidéo…) et intégrant dans leur production des codes et outils du marketing et de la publicité. Petit passage dans le parc à la fontaine mémorial de la princesse Diana, œuvre symbolique et discrète de Kathryn Gustafson, dont les enfants profitent allègrement lorsqu’il fait beau, nous l’avons constaté !

Dernière exposition prévue, la rétrospective Paul Strand au Victoria & Albert museum : comme on pouvait s’y attendre, des photographies superbes montrant l’ampleur et la diversité de l’œuvre d’un artiste engagé cherchant à tirer le maximum du medium tout en conservant une éthique et une morale de l’image et de la représentation du réel.

Et bien sûr, après ces journées ensoleillées et bien remplies, par question de quitter Londres sans une dernière bière au pub ! Jusqu’au prochain voyage à Londres…