Article du carnet de bord

Biennale de Berlin

Un des ours de Berlin

 Der Himmel über Berlin

(Le ciel au-dessus de Berlin, titre original du film de Wim Wenders Les Ailes du désir)

Fin avril, Les Ailes du désir se sont rendues à Berlin à l’occasion de la 7ème Biennale d’art contemporain : la visite dès les premiers jours d’ouverture a suscité bien des interrogations et des questionnements.

Dans l’espace principal de KW-Institute for Contemporary Art, siège de la Biennale, quelques tables, chaises et canapés définissent des espaces "salon" ou délimitent avec quelques tentures des espaces de talk-shows, avec sur les murs des graffiti et des papiers agrafés… : un environnement qui rappelle davantage les grandes heures de débats estudiantins. Au fond de la salle, un accès mène à un petit jardin : deux ou trois tentes de camping, une série de conteneurs posés au sol d’où émergeront bientôt quelques plantes (aromatiques ?).

De nombreux jeunes circulent, une bière à la main, certains engagent la conversation : ils prônent l’internationalisation, le dialogue, l’abolition de la dictature du marché de l’art, la disparition du statut de l’artiste, l’expression et la créativité de chacun.

Conséquence de la lecture de "Indignez-vous !" ? La brochure de Stéphane Hessel est accrochée sur les parois des couloirs, dans des éditions en différentes langues.

Cette mise en espace avait de quoi déconcerter, et certains de nos visiteurs ailés, restés cois devant cette absence de production artistique, ne sont pas allés plus avant dans la Biennale.

Un autre lieu du KW montre sur un mur une cartographie des artistes sollicités par Artur Zmijewski, commissaire de cette biennale, artiste polonais, qui leur a demandé en premier lieu de se situer politiquement ; ils sont cités par rapport à leur positionnement ; ils ont été nombreux à répondre, mais peu sont connus dans le monde de l’art.

A l’étage, une installation fait forte impression : six écrans répartis autour de la salle noire diffusent des images documentaires de grands évènements de ces dernières années (manifestations de la place Tahrir par exemple), leur juxtaposition accroît la violence des images.

Dans un esprit plus proche d’une production artistique, on trouve le grand projet de copie de la statue du Christ de la ville de Swiebodzin sur lequel l’artiste travaille au vu du public (et avec sa collaboration ?).

La Maison de l’Allemagne (Maison de l’Europe en 1945) présente le projet de sa restructuration architecturale et d’orientation en Fondation Vol-Expulsion-Réconciliation.

Autres lieux utilisés par la Biennale : l’Académie des Beaux-arts, et l’église désaffectée et rénovée Ste-Elisabeth, où sur les parois et même au sol, chacun est invité à s’exprimer ; crayons, peintures, papiers à découper sont à disposition pour griffonner, taguer, dessiner, écrire.

Sans doute faut-il mettre en relation cette Biennale avec le climat politique actuel : à Berlin par exemple, le mouvement des Indignés se développe à côté d’autres mouvements alternatifs ; dans les parcs et les allées berlinoises, des militants de ces mouvements tiennent des stands d’information. Elle accueille aussi le Mouvement pour la renaissance juive en Pologne, Key of Return (aide aux réfugiés), l’Institut pour les activités humaines, le Public Movement…, et comporte pendant toute sa durée (jusqu’à fin juin) nombre de tables rondes, débats, interventions (comme celle de la revue Artension début mai).

Si cette 7ème Biennale de Berlin a défini comme priorité la communication, les échanges, le dialogue, ce n’est pas un moindre paradoxe qu’elle ait quasiment annihilé la communication au sein des Ailes du désir, tant chacun est resté interdit devant l’absence de contenu artistique !

En parallèle se déroulait le grand Week-end des galeries, très nombreuses dans le quartier du KW : de vraies expositions dans des lieux adaptés qui avaient de quoi rassurer le visiteur, des artistes plus ou moins connus (de Baselitz à Nikolai Makarov).

Retour à une tradition artistique bien vivante aussi dans les institutions, Neue Nationalgalerie et Hamburger Bahnhof. La première présente une superbe exposition Gerhard Richter relayée dans d’autres lieux de la ville.

La seconde propose une installation de Hans-Peter Feldman revisitant les morts des mouvements terroristes des années 60-70 et une exposition de sculptures de lumière de McCall, cônes lumineux dans lesquels le spectateur peut pénétrer (nous avons retrouvé le plaisir de jouer avec les formes, plaisir déjà découvert à St-Nazaire en 2009). La collection de la Hamburger Bahnhof comporte aussi des pièces de Beuys mises en valeur par une subtile muséographie, qu’il était intéressant de mettre en parallèle avec la Biennale : l’artiste prônait lui aussi la disparition de l’œuvre d’art dès les années 60. Les "installations" de la Biennale seront-elles aussi "récupérées" par l’institution et le marché ?

Enfin (pour s’assurer qu’il existe encore des artistes à Berlin !), nous avons rendu visite à une jeune artiste suisse, Emilie Ding, qui nous a accueillis avec beaucoup de gentillesse et de disponibilité dans son lumineux atelier de Wedding où elle bénéficie jusqu’à fin juin d’une résidence de l’Etat de Genève. Elle a trouvé un climat favorable à son travail d’une rigueur exemplaire inspiré par l’horizontalité et les espaces vides de la ville, l’architecture, le paysage urbain construit, et elle s’applique à modifier la perception du spectateur. Un paradoxe entre la construction très élaborée de chaque pièce, graphique ou en volume, et la réalisation, qui utilise des moyens empiriques, une prise de risque que le spectateur ressent pourtant d’emblée et qui suscite son adhésion.

Beaucoup de monde à Berlin, terrasses de café bondées.

Soleil sans ombre, température autour de 28°.

Barbecue de 1er mai et "Fassbier" fraiche.

 

Pour aller plus loin :

L'exposition Gerhard Richter, Panorama, sera présentée au Centre Pompidou à Paris du 6 juin au 24 septembre 2012.