Article du carnet de bord

On n'est pas bien là, à Palerme ?

en route pour Palerme avec Aline

Oui, on était bien à Palerme, et notre retour mouvementé ne faisait que renforcer cette impression ! Il faut dire que nous ne nous sommes pas ennuyés à l’aéroport : suite au refus, faute de carte d’identité, d’enregistrer Anne-Marie, victime d’un vol durant le séjour, mais qui présentait photocopie de sa carte et récépissé délivré par les carabinieri, nous avons dû entamer des négociations longues et difficiles avant de pouvoir accéder à l’avion in extremis ! Merci à tous ceux qui l’ont aidée, Aline, Catherine, Philippe, et à tout le groupe qui l’a moralement soutenu, comme le personnel de bord.

Oui, on était bien à Palerme, malgré une Manifesta qui a paru décevante au premier abord ; les intentions étaient fort belles, le thème Le jardin planétaire en accord avec l’air du temps et les préoccupations actuelles de la population de Palerme comme du reste du monde ; mais tout cela donnait lieu à des réalisations conceptuelles ou virtuelles peu évidentes. Surtout, l’organisation ne permettait pas d’aller au-delà de cette première impression : la réalisation sous l’égide de Gilles CLEMENT, par le collectif COLOCO, d’un jardin dans une cité populaire a sans doute trouvé un écho dans la population du quartier mais il était quasi impossible d’y accéder ! Les évènements collatéraux présentaient sans doute des réalisations plus abouties, mais tout aussi difficiles d’accès : et lorsqu’on avait enfin trouvé le lieu d’exposition au détour des ruelles étroites ou à la faveur d’un arrêt de bus inopiné, on découvrait une porte close et un panneau affichant des heures d’ouverture très restreints ! Nous suivions pourtant avec attention le dépliant succinct et de diffusion restreinte (nous n’en avions obtenu qu’un pour 4 personnes).

Quelques souvenirs ont marqué les participants et étayé les conversations du petit déjeuner sur la terrasse ensoleillée de notre charmant hôtel CORTESE : le Palazzo Butera, en cours de restauration (il présentera bientôt expositions temporaires et collection permanente des Valsecchi,  ses propriétaires galeristes milanais) le palazzo Ajutamicristo avec l’installation The Third Choir de Lydia OURAHMANE, qui a mis plusieurs années pour obtenir l’autorisation de transporter ces barils ; le parcours de Manifesta était ainsi l’occasion de découvrir des sites et des espaces jusqu’ici ignorés. Heureusement, nous avons dès le début de notre séjour rencontré VERA, médiatrice « jardinière », qui a re-situé pour nous le contexte de la manifestation par rapport à l’histoire ancienne (depuis l’antiquité et les invasions puniques) et moderne (l’importance de la mafia et actuellement l’arrivée en nombre de migrants) : une rencontre passionnante qui permettait de mieux comprendre les œuvres exposées.

Quelques évènements collatéraux ont aussi particulièrement marqué les participants qui sont parvenus à les voir, quelquefois par hasard : piazza Bologni, la grande installation de Gianfranco MEGGIATO Spirale de la vie en l’honneur des victimes de la mafia ; au théâtre Massimo l’exposition d'AES+F , ce collectif russe qui nous a déjà gratifiés à Venise de superbes installations, ici en parallèle d’une vidéo une série de sculptures en porcelaine de St-Petersbourg mettant en scène des migrants soutenus par des occidentaux des pays développés ; à la ZAC, grande friche industrielle, une exposition réunissant des artistes africains sur le thème de la représentation de l’être humain noir ; à la Chiesa di Santa Venera (ouverte seulement quelques heures par semaine), deux pièces récentes de Berlinde de BRUCKERE présentées par la Galerie Continua (San Gimignano, La Havane, Pékin, Boissy, et partenaire de la galerie ICI de Venise) ; à la Chiesa San Giovanni tout près de notre hôtel, La Décollation, de Simon STARLING, en écho au Caravage ; au Palazzo Riso, une grande installation de Yannis KOUNELLIS ; à la Casa del  Mutilato, un beau tryptique video de Cristina LUCAS sur les dégâts « collatéraux » des guerres mondiales ; au Palazzo Chiaramonte, Poetry of the Flow, une installation du taïwanais YAHON CHANG ; ou encore à Monreale où nous avons été impressionnés par les tableaux récents, toujours en coques de scarabée, de Jan FABRE..

Le manque de documents d’information nous donnait l’impression de ne pas être invités à participer à l’événement ; nous avons rencontré Florinda PECORARO, une artiste plasticienne performeuse et danseuse qui vit et  travaille à Palerme, qui a le même sentiment en tant que palermitaine ; les louables intentions des commissaires de Manifesta restent en quelque sorte lettre morte, faute  de relais efficaces (politiques ou seulement de communication ?) sur place. La discussion avec Florinda s’est poursuivie autour de sa pratique personnelle, aujourd’hui concentrée sur les relations avec les migrants qui arrivent en nombre à Palerme, et sont accueillis à Porco Rosso où nous avons rencontré Florinda : du « contact-improvisation » et de la communication par le corps, Florinda (par ailleurs linguiste) passe à la communication par le langage et à l’alphabétisation.

Depuis toujours heureusement, sans attendre Manifesta, Palerme a ouvert ses portes à ceux qui ont su la découvrir, et aujourd’hui les touristes que nous sommes ; de l’architecture arabo-normande avec la chapelle palatine, la cathédrale de Monreale ou un peu plus loin le monastère de Cefalù, des palais des 16ème au  19ème siècle comme le Palazzo Abatellis et sa superbe collection, aux interventions d’architectes contemporains tel Gae AULENTI au Palazzo Branciforte, nous avons trouvé de quoi régaler nos regards… Nos papilles aussi, avec une cure de glaces, de caneli et de  caponata, et comme maintenant dans toute l’Italie, de Spritz. Sans compter les paysages vertigineux,  et les escapades à la playa, à  Cefalu ou Mondello , voire à Palerme même…  

                                                                     

 

https://www.arte.tv/fr/videos/083735-000-A/I-art-pour-casser-l-image-mafieuse-de-palerme/

https://www.arte.tv/fr/videos/083443-000-A/palerme-capitale-italienne-de-la-culture-en-2018/

https://www.vogue.it/moda/cover-fashion-stories/2018/04/16/palermo-2018-da-vedere-palazzi-antichi-arte-contemporeana-manifesta-12/

http://www.zerodeux.fr/news/manifesta-12/