La biennale nouvelle est arrivée, et fin août une cinquantaine d’amateurs ailés ont rejoint Venise, c’est une tradition !
Un adhérent niortais, Michel Labrid, nous avait précédés en juillet, et avait eu la gentillesse de nous transmettre ses coups de cœur, ses découvertes et ses bonnes adresses, que nous avons appréciée vu l’ampleur démesurée de la manifestation vénitienne à absorber en une semaine !
Au cours de notre rencontre autour d’un verre de Prosecco, devenue elle aussi traditionnelle pour faire le point d’étape à la moitié du marathon, les participants l’ont remercié de ses conseils.
Nous avons commencé notre périple par les Giardini, d’abord par les pavillons nationaux : nous devions retrouver en effet au pavillon de la France Philippe Zimmermann, responsable de la mise en place des œuvres et donc en particulier de la pièce de Céleste Boursier-Mougenot, Révolutions ; les explications de Philippe Zimmermann, très éclairantes, nous ont permis de mieux saisir l’accord entre les différents aspects visuels et sonores de l’œuvre et d’en percevoir toute la poésie. Pour la plupart des participants, le parcours des Giardini avait une tonalité plutôt noire et pessimiste, et certains s’interrogent : est-ce récurrent de biennale en biennale ou vraiment particulier à cette édition ? Les pavillons australien, coréen, chilien ont été les plus commentés, avec toujours cette note désespérante d'une planète où la misère et le martyre de certains pays sont montrés de manière très crue. Le pavillon japonais a sans doute fait la plus forte impression : une installation monumentale de Chiharu Shiota, 180.000 clés en métal récoltées dans le monde, reliées par 400 km de fil rouge, qui explorent la relation que l’on entretient avec les objets quotidiens et les objets de mémoire portant une forte charge symbolique malgré leur matérialité quelconque.
Le pavillon international a déconcerté nos amateurs habitués aux vastes salles du bâtiment, pour l’occasion une partie de l’espace dédié aux œuvres était remplacé par un espace dédié aux performances et à la communication. A l’Arsenal, l’espace était beaucoup plus cloisonné que d’habitude ; c’était souvent appréciable, pour les vidéos par exemple, mais quelquefois un peu gênant pour des œuvres qui perdaient leur aspect monumental. Mais l’ensemble y gagnait en cohérence, marque de fabrique du commissaire de cette édition de la Biennale, Okwui Enwezor, dont nous avions déjà remarqué les qualités de construction à Kassel. A noter deux installations particulières : celle d’Adrian Piper, lion d’or pour un artiste de l’exposition internationale, consistait en une remise de certificats à chaque participant qui le souhaitait et s’engageait à respecter une des trois phrases sibyllines proposées : bien sur, l’association Les Ailes du désir a joué le jeu en jurant qu’elle dirait toujours ce qu’elle pensait et a gagné son diplôme ! Non sans être interpellée par l’absence de l’œuvre réduite au rang de vecteur de communication. Et aussi l’installation de Lili Reynaud-Dewar, d’origine rochelaise : bien que de façon moins évidente que dans la pièce présentée à la biennale de Lyon en 2013, son travail témoigne d’une charge poétique sans doute issue de sa filiation avec Daniel Reynaud, le poète picto-charentais.
Au programme de notre séjour, la visite du Palazzo Grassi et de la Punta della dogana, les lieux de l’ «empire » Pinault ; au Palazzo, une exposition consacrée à Martial Raysse qui avait l’avantage de présenter de nombreuses œuvres inédites (mais aussi souvent mineures) ; à la Punta della dogana, une sélection par l’artiste Danh-Vo de pièces de la collection Pinault, dont beaucoup de l’artiste lui-même ; pour faciliter la visite, une plaquette en français était distribuée, mais elle a donné pas mal de fil à retordre à certains : mais quand on avait compris le fonctionnement, elle apportait un éclairage intéressant sur une exposition qui, il faut bien le dire, en a laissé plus d'un sur sa faim.
Pas possible de voir tout ce qui était proposé dans la ville et les iles, il fallait faire des choix ou se laisser aller au gré de la balade ou de promenades en bateau pour découvrir d’autres pavillons nationaux ou des évènements collatéraux : le projet Paradiso Lussemburgo (pavillon du Luxembourg) concocté par l’artiste Filip Markievicz et le critique Paul Ardenne, Photissima Art Fair au cloitre des Frari, Glasstress « Gotika » à l’Institut d’art (Palazzo Franchetti), Jaume Plensa à San Giorgio Maggiore, la monumentale installation vidéo de AES+F, Inverso Mundus, au Magasin à sel, les pavillons cubain et syrien sur l’ile San Servolo et le pavillon arménien sur l’ile San Lazzaro degli Armeni, Glastress II à Murano …
A noter, les artistes représentant un pays dans un pavillon national n’en sont pas forcément citoyens (Danh Vo au pavillon du Danemark par exemple), ce qui peut quelquefois avoir force de symbole, comme la participation de Sarkis au pavillon de la Turquie et à celui de l’Arménie, en cette année de triste anniversaire…
A noter aussi, in ou off biennale, la présence récurrente aux côtés de jeunes artistes de personnalités confirmées des générations précédentes, de Chris Marker à William Kentridge en passant par Baselitz ou Mario Merz : présence tutélaire et réconfortante ?
Enfin, agréable contre-point à nos visites de hauts lieux de l’art contemporain du milieu de l’art international, nous avons été chaleureusement reçus au Magazzino del Caffè par Chantal et Olivier, représentants de l’International Cultural Institut : une jeune association franco-italienne, créée à partir du recueil des archives des ethnologues documentaristes Anne et Ludovic Segarra, qui a pour vocation de tisser des liens entre des artistes contemporains et les arts de sociétés extra-européennes et méconnues. En l’occurrence, elle présentait une exposition ethnographique Bhoutan voyage au cœur du ciel, à laquelle deux artistes, Marco Casella et Daniele Pulze, avaient réagi par des installations intégrées dans l’exposition. Le Magazzino del Caffè se présente comme un lieu plutôt alternatif qui, allié à l’enthousiasme des collaborateurs de l’ICI, contribue à offrir au visiteur l’image d’une production artistique très vivante ; d’ailleurs, l’ICI a tissé des liens étroits avec l’université Ca’Foscari.
Encore un programme chargé pour cette édition de la Biennale de Venise ! Au retour, chacun prenait conscience de ce qu’il avait manqué, et comme d’habitude, nous sommes tous revenus un peu frustrés. Mais heureux en même temps d’avoir profité d’un tel condensé de création artistique en tous genres !