Biennale de Lyon 2019 : nouveaux lieux, nouveaux espaces, nouvelles formes…
Un bref week-end à Lyon pour sa biennale, ça ne se refuse pas ! Surtout que la météo a été acceptable, qu’avant la grève la SNCF a répondu à notre attente (pas de soucis, trains à l’heure…), que la biennale se renouvelle avec de nouveaux espaces et une équipe curatoriale nouvelle...
Pour commencer, étape au Musée d’art contemporain de Lyon, entre le parc de la Tête d’or et Interpol. Deux niveaux sont affectés à une grande exposition des travaux récents du duo DEWAR-GICQUEL ; les deux sculpteurs, prix Marcel Duchamp 2012, nous avaient habitués à leur humour et aux dissonances entre représentation et matériau utilisé. Ici, un mobilier imaginaire en chêne massif, où on retrouve leur goût du détail et du « fait-main », la multiplication des motifs décoratifs, le sens du détournement d’objets familiers, mais c’est au service d’une réflexion sur la place de l’homme, mammifère parmi les autres. Le premier niveau est consacré à d’autres artistes qui nous ont en général moins convaincus, comme Renée LEVI et son installation immersive, street art adapté au visiteur – à laquelle nous avons en généralpréféré la pièce présentée au musée des Beaux-arts de Lyon -, Gaelle CHOISNE, actuellement à la RijksAkademie d’Amsterdam (dont l’installation se serait bien passé d’un cartel de présentation au langage boursouflé et au vocabulaire indigent), Aguirre SCHWARZ, plus connu sous le nom de Zevs en tant que street-artiste, Karim KAL et ses photographies de villes déshumanisées, Josefa NTJAM… Nous retrouverons d’autres travaux de certains de ces artistes aux Usines Fagor.
Après le MAC, cap à l’ouest, à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne, tout près d’un quartier emblématique de Lyon, celui des Gratte-ciels où règnent l’hôtel de ville de Villeurbanne et le TNP juste en face… L’IAC, structure plus petite que le MAC, présente aussi régulièrement des expositions avant-gardistes. En l’occurrence, une sélection de la « Jeune création internationale » composée par moitié d’artistes de la région et d’artistes internationaux : Théo MASSOULIER et ses micro-paysages colorés qui font écho à des dispositifs de laboratoires, Cedric ESTURILLO avec au centre de sa démarche le rapport historique aux formes, Naomi MAURY et ses installations de ruines suspendues dans lesquelles le visiteur s’intègre, Randolpho LEMONIER et son bric à brac poétique, le ciel bleu de Charlotte DENAMUR, le film de Jean-Baptiste PERRET qui a suivi la restauration du retable d’Issenheim…
Retour en ville pour voir quelques pièces installées en extérieur dans le centre et pour visiter l’exposition associée de la Fondation Bullukian place Bellecour. Ici, les espaces sont affectés à deux artistes, Jeremy GOBÉ et surtout Andrea MASTROVITO ; dans la première salle, celui-ci a installé au sol de grands panneaux comme des tapis en marqueterie sur lesquels il a repris en les revisitant des images iconiques tirées de films des Frères Lumière ; dans la petite salle suivante (bien peu adaptée à une diffusion d’un film d’une heure !) on peut voir NYsferatu-Symphony of a Century, où l’artiste fait revivre le film de F.W. Murnau avec New-York en toile de fond, une fresque contemporaine au fusain et en rotoscopie. On traverse ensuite le jardin de la fondation pour gagner le nouvel espace ouvert cette année et découvrir un aspect du travailde l’artiste lumineux et rayonnant, avec des installations mettant en scène des images découpées et pliées dans des catalogues publicitaires pour créer un nouvel univers joyeux et coloré. Jérémy Gobé quant à lui développe Anthropocène, suite à une résidence au sein de l’entreprise St-Gobain Weber : création d’une installation monumentale apposée sur la façade du jardin de la fondation.
Dimanche matin à l’ouverture, nous nous retrouvons au nouveau lieu de la biennale, les anciennes usines d’électroménager Fagor (lave-linge), lieu immense où parfois les installations se diluent et se mélangent. Dès l’entrée, un lave-linge nous accueille en effet, celui que Chantal THOMAS avait réalisé pour la publicité de l’entreprise, capitonné de soie rose et de rubans noirs, de quoi réconcilier avec les tâches ménagères !
Mais aussitôt l’immense roncier en fonte d’aluminium de Jean-Marie APPRIOU nous ramène à la réalité de friche industrielle du lieu, que Malin BÜLOW utilise en reliant des corps dansants à la charpente métallique. A côté le mexicain Fernando PALMA RODRIGUEZ a réalisé une installation sonore et cinétique, qui comporte 43 robes de petites filles, des plumes, un système rotatif, plusieurs paires de chaussures d'enfants, un oiseau empaillé, deux ronds cerclés de cire avec de l'eau en leur centre, un totem, une sculpture réalisée avec une chaise et un personnage, des capteurs de présence, détecteurs de mouvements ; d’apparence plus légère, il s’agit pourtant d’une œuvre presque chamanique très liée à l’histoire et à la culture de l’artiste, qui fait référence à un fait divers : les enlèvements d'Iguala en 2014, 43 étudiants ont été portés disparus suite à une manifestation contre le gouvernement mexicain. Abraham POINCHEVAL quant à lui nous livre en vidéo des images de notre terre lors d’une poétique randonnée qu’il a effectuée, suspendu à un aérostat ; était-ce l’aérostat de l’ukrainienne Taus MAKHACHEVA, facétieuse montgolfière cousue et gonflée comme une robe à crinoline ? Dans le même esprit, l’énorme structure blanche gonflable de Léonard MARTIN intitulée La Mélée, qui entremêle des figures mi humaines mi animales (des chevaux), inspirées de Paolo Uccello.
Autre pièce impressionnante, la tête de foreuse de tunnel, installée par l’irlandais Sam KEOGH, qui disperse alentour une foule d’objets hétéroclites, jusqu’à celle de l’autrichien Thomas FEURSTEIN qui revisite le mythe de Prométhée avec sa sculpture de marbre et son installation de tubes chimiques visant à reconstituer son foie. Dans le dernier hall, une installation étrange qui semble avoir touché la plupart des amateurs ailés, celle de la Thaïlandaise Pannaphan YODMANEE : deux conduits en béton gris posés à angle droit et un tronc d’arbre suspendu à la verticale au-dessus ; il faut entrer dans l’un des tubes pour voir les peintures et les bas-reliefs dont l’artiste a couvert les parois, inspirés par l’art bouddhique mais en y mêlant des fragments d’iconographie occidentale voire chrétienne, bribes de civilisations en décomposition.
Les autrichiens Ashley Hans SCHEIRL & Jakob Lena KNEBL ont répondu à cette interrogation sur notre monde actuel par l’humour, et bousculent allègrement genres et identités dans un capharnaüm particulièrement kitsch.
Encore un peu de temps avant de regagner la gare, de quoi s’offrir une petite récréation, pour les uns avec une balade fluviale pour vérifier que c’est « là où les eaux se mêlent » , pour d’autres une balade en ville en passant voir la pièce de Buren dans le parking des Célestins ou avec une visite au Musée des Beaux-arts : les Picasso sont temporairement absents, mais il reste les deux Poussin, Rubens et Véronèse, et Nave nave mahana de Gauguin, ainsi qu’une belle exposition sur Le Drapé…