Tradition oblige, à la saison des festivals Les Ailes du désir se déplacent en Avignon, par petits groupes successifs ; il en résulte une grande diversité des regards portés sur les spectacles, expositions et événements prévus dans le programme des séjours.
Le Festival d’Avignon, événement à dimension mondiale pour le théâtre, ne se concevrait pas sans une représentation dans la Cour d’Honneur du Palais des papes ; c’est donc dans la Cour que le premier groupe a entamé son festival avec une représentation d’Antigone, une Antigone japonaise mise en scène par Satoshi Miyagi : le rythme du spectacle permet de suivre le sur-titrage tout en appréciant l’esthétisme du spectacle. Les groupes suivants ont eu droit dans la Cour au spectacle de Israêl Galvan, La Fiesta : si les familiers du flamenco n’ont pas tout à fait retrouvé le duende qu’ils attendaient, il faut reconnaître la qualité du spectacle et les compétences des intervenants, chanteurs ou danseurs. Parmi les différents spectacles que les festivaliers ailés ont pu voir, certains les ont marqués durablement, comme La cabale des dévots – le roman de Monsieur de Molière, d’après M.Boulgakov : une histoire dont on croit tout savoir, mais revisitée par un jeu de décalages/décadrages que le metteur en scène Franck Castorf affectionne ; mention spéciale pour les acteurs de la Volksbühne de Berlin et en particulier Jeanne Balibar. D’autres spectacles de grande qualité ont pourtant suscité des réactions divergentes chez nos festivaliers, comme ceux du Birgit Ensemble, Memories of Sarajevo ou Dans les ruines d’Athènes : pour certains la forme, esthétisante et très aboutie, ne pallie pas une problématique traitée en surface. Si certains spectacles sont excentrés « hors les murs », contraignant à des déplacements longs et fastidieux, ils sont quelquefois l’occasion de découvertes rares, comme cette adaptation des Bonnes de Jean Genêt par Katie Mitchell, à Vedène.
Le Festival s’accompagne de diverses manifestations en accès libre : feuilleton quotidien (et citoyen) On aura tout, rencontres avec les artistes, débats sur le théâtre et/ou des questions de société, lectures de France-Culture et de RFI… Pas le temps de s’ennuyer ou d’aller à la plage, d’autant que ces évènements sont aussi source de grandes émotions, comme le beau texte de Rachid Benzine dit par Lou de Laage et Charles Berling, Lettres à Nour, ou la lecture d’Ismène de Yannis Ritsos par Isabelle Adjani.
A côté du festival in, le festival off déploie ses 1500 spectacles à travers la ville : impossible de proposer une sélection aux festivaliers des Ailes, chacun se dirige dans ce dédale en fonction de conversations entendues par ci par là. Même si les moyens ne sont pas comparables à ceux du festival officiel, on peut y faire de belles découvertes, ou parfois des séances de rattrapage comme avec La violence des riches quand on l’a manqué à Poitiers !
A l’origine du festival d’Avignon, il y avait la grande exposition de 1947 au Palais des Papes, avec tout ce que l’art comptait de contemporain à l’époque, de Matisse à Picasso. Cette année, Avignon présentait une grande exposition consacrée aux Sculpteurs d’Afrique à partir de la collection Blachère, au Palais mais aussi dans la plupart des musées de la ville, avec des pièces spectaculaires de Ousmane Sow à El Anatsui en passant par Andries Botha. Autre exposition répartie dans plusieurs musées, celle dédiée au thème du Jardin et explorant les potentialités des nouveaux médias, Hortus 2.0.
Et puis pas question de zapper les incontournables Rencontres photo d’Arles ! Nous avons vu grandir l’immeuble conçu par Franck Gehry pour accueillir la fondation Luma et sans doute quelques expos en 2018, visité les halls réaménagés des Ateliers SNCF, ainsi que les lieux divers dans la ville qui de la photographie dans le monde, raconter son histoire, ses liens avec les autres arts : n’a-t-on pas rencontré au détour d’une exposition les danseurs du Los Angeles Dance Project de Benjamin Millepied en training ? La compagnie est accueillie par la fondation Luma. Surtout les Rencontres photo proposent de confronter des travaux de jeunes photographes émergents à des personnalités majeures (Masahisa Fukase, Weinberger) ou historiques (Jean Dubuffet) et intègrent même dans ce panorama la photographie quotidienne (Photographie vernaculaire colombienne…).
Les séjours ne seraient pas complets sans un déplacement à L’Isle/Sorgue ; bien sûr il y a tout le charme de cette petite ville chantée par René Char, traversée par la Sorgue et ses affluents, une atmosphère rafraichissante au milieu d’une semaine étouffante dans les remparts d’Avignon… Et puis il y a la Villa Datris, fondation pour la sculpture contemporaine, qui propose chaque été une exposition thématique, De nature en sculpture pour cette édition. Dans le jardin de la fondation nous avons retrouvé L’homme de Bessines de Fabrice Hyber et d’autres pièces d’artistes concernés par le rapport à la nature comme Nils-Udo, dans la villa des œuvres inspirées par le jardin d’Eden ou par les catastrophes écologiques comme Miguel Chevalier intervenant aussi dans Hortus 2.0. C’est un parcours agréable à dimension humaine, conçu avec une attention particulière pour un large public comme pour les artistes : les œuvres mettant en scène des végétaux comme celles de Michel Blazy bénéficient des soins quotidiens d’une jardinière.
Un séjour en Avignon (et autour) en juillet, c’est un résumé de l’art actuel au soleil !