Article du carnet de bord

Le temps printanier, la permission de retirer le masque étaient un appel à sortir et à voyager ! Les amateurs ailés se sont retrouvés avec enthousiasme pour cette escapade à Paris.

Grandes expositions pour la journée du samedi :

• Sophie CALLE est invitée à chercher les Fantômes d’Orsay ; avant la transformation en musée, elle avait investi une chambre du grand hôtel de la gare d’Orsay alors désaffectée. On connaît déjà quelques-unes des images qu’elle y  avait alors réalisées, noir et blanc intense et velouté de l’argentique inspirant le mystère ; les fantômes d’alors étaient un montant de lit ou un lavabo, une serrure ou une série de factures manuscrites. Ils se retrouvent ici accompagnés de doubles notices, textes tantôt méticuleusement descriptifs, tantôt sensibles et pleins d’humour (très appréciés de nos amateurs ailés !), écrits par l’invité de l’artiste, le préhistorien  Jean-Paul Demoule. Sophie Calle est donc revenue sur les lieux complètement transformés (au point que la chambre qu’elle avait investie, la 501, avait déjà disparu sur un plan retrouvé de l’hôtel). A la lueur de son téléphone, elle a pris des photos, aujourd’hui  en couleurs mais tout autant mystérieuses, du Déjeuner sur l’herbe ou de L’origine du monde.

• Anita MOLINERO, une des rares femmes artistes qui s’exprime essentiellement par la sculpture, investit le Musée d’art moderne pour sa première rétrospective dans une institution parisienne : une exposition « incandescente »  qui témoigne du combat que mène l’artiste avec la matière ; Anita récupère des matériaux " pauvres " de notre environnement  (poubelles, vieux matelas de mousse, bidons, plastique…) et munie d’un chalumeau ou d’une scie sauteuse, les transforme par différents moyens – torsion, fusion, extrusion… – en véritables sculptures respectant même les lois du genre – volume et espace, forme, plein et vide…- . Les amateurs poitevins sont quasiment scotchés devant la force de ces sculptures, mais un peu tristes en voyant la video d’Aline Dalbis accompagnant l’exposition, car à chaque déménagement d’atelier, Anita doit se séparer de nombreux objets/sculptures en devenir ! Il faut dire que l’exposition fait la part belle à l’élaboration du travail de l’artiste, en présentant les œuvres en relation avec les moyens utilisés.

"Une exposition incandescente, résultat d’une véritable lutte menée par l’artiste dont résultent des œuvres extrudées aux formes variées, aux surfaces colorées, et aux imaginaires infinis." (arts-in-the-city.com)

Il nous reste encore quelques jours pour voir à Châtellerault une pièce d’Anita dans l’exposition Défaire, faire au Centre d’art, qui témoigne aussi de la récupération/recyclage toujours présent dans l’œuvre d’Anita.

Pour finir la journée dans une ambiance reposante, direction l’église Saint-Merri avec pour certains, un passage à Saint-Eustache où Christian LAPIE a installé Espace-Temps, groupe de sculptures en chêne taillé de formes humanoïdes, veilleurs sylvestres et bienveillants ; et à St-Merri, un concert piano/flute avec deux solistes américains qui ont choisi avec pertinence d’interpréter des pièces de compositeurs français et américains du 20^ème siècle.

• Dimanche, excursion bucolique dans le bois de Vincennes pour atteindre la Cartoucherie et le Théâtre du Soleil ; depuis l’origine, l’accueil n’a pas changé, toujours convivial et transformant la sortie au spectacle en pique-nique champêtre et festif. Rituel du retrait des billets suivi du choix des   places, puis on accède au comptoir pour acheter de quoi boire et manger et on repart avec son plateau et ses victuailles aux parfums exotiques autour de grandes tables collectives, en l’occurrence dehors au soleil généreux ce dimanche. Puis on gagne la salle, accueillis en hôte d’honneur par Ariane MNOUCHKINE "soi-même" qui assure le contrôle, c’est la tradition. Quelques minutes pour laisser le temps de trouver sa place en jetant au passage un œil dans la grande loge commune, où se préparent avec célérité les serveurs et cuisiniers devenus en un tour de main les acteurs de L’Ile d’or, ce dernier spectacle, création collective conçue par la grande dame du théâtre, Ariane Mnouchkine. Un spectacle foisonnant qui veut tout embrasser de l’époque, en nous embarquant au Japon tout en restant éveillé sur les  multiples maux du monde entier. Grande fresque aux images superbes, où se mêlent humour et effroi, théâtre dans la tradition du théâtre de tréteaux, "Il y a la maladie et tout ce qu'elle a éclairé, c'est-à-dire l'imbécilité, le mensonge, la mauvaise gouvernance. Il y a une maladie réelle et une maladie métaphorique", explique la metteure en scène. Et puis on oublie la solitude : qui, à part Ariane, peut rassembler une trentaine d’acteurs sur le plateau, et ainsi embarquer le public dans cette grande famille ? Alors oui, il y a peut-être quelques longueurs pendant ces 3h30 de spectacle, mais on ne s’en aperçoit pas, tellement on ressort heureux de cette épopée : "au Théâtre du Soleil, bastion de vie et de résistance, bat toujours le pouls de la planète"(Sophie Jouve, France TV). 

Avant de regagner la gare Montparnasse, escale au Centre Pompidou pour visiter l’exposition Charles RAY, figure majeure de la sculpture américaine contemporaine. L’artiste consacre l’essentiel de son œuvre à la figure humaine, jouant sur les matières  (de l’aluminium au marbre en passant par la fibre de verre ou le papier) ou l’échelle, intégrant sa propre image, soignant la fabrication de l’œuvre jusqu’à l’hyperréalisme.

Et puis il est temps de repartir pour Poitiers, les yeux pleins d’étoiles même si le week-end est toujours trop court…