Les Ailes du désir étaient fin octobre à Athènes à l’occasion de la 3ème Biennale, « Monodrome ».
Nous sommes arrivés le jour de l’inauguration de cette jeune biennale et nous avons pu dès le soir même en visiter une partie, la plus importante, qui se tenait dans une ancienne école d’arts appliqués, l’école Diplareios ; au rez-de-chaussée, quelques pièces d’artistes reconnus et aussi une installation de travaux d’étudiants de l’Ecole des Beaux-arts d’Athènes, puis, sur trois niveaux, diverses pièces d’artistes, de collectifs, ou des installations produites hors circuit artistique et non revendiquées par des artistes (comme par exemple la présentation sur des mannequins des costumes dessinés par Pierre Cardin et Billy Bo, dans les années 60, pour le personnel d’Olympic Airways).
Le parcours n’était pas désagréable mais déconcertant ; peu de commentaires accompagnaient les œuvres présentées, les cartels étaient succincts, et cette année, en raison de la situation en Grèce, il n’y a pas eu de publication de catalogue. Quelques pièces retenaient l’attention parce que déjà connues, comme « Le Vampire » (film documentaire de Jean Painlevé sur le comportement de la chauve-souris, 1945), « France, tour, détour, deux enfants » (film de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville, 1978), « De ma fenêtre » (réalisé de 1978 à 1999 par Josef Robakovski), ou encore le Theatrum Mundi de Mark Dion et Robert Williams, ou les photographies classiques de l’artiste turc Uygun Yilmaz ; mais aucun d’entre nous n’a vraiment compris quelle place tenaient ces images déjà anciennes par rapport à la Biennale. A côté de ces œuvres, des pièces d’artistes en majorité grecs, comme « La Rivoluzione Siamo Noi » de Kostas Bassanos, mais souvent moins explicites.
Deuxième lieu de la biennale, les musées du parc Elefterias témoignaient de cette même confusion ; pour la plupart, ce mode d’exposition rappelait celui du Palais de Tokyo à Paris, que Nicolas Bourriaud, commissaire de cette Biennale, et actuel chef de la division de la création artistique au Ministère de la Culture, avait fondé avec Jérôme Sans.
D’autres lieux à Athènes présentent un aspect de l’art contemporain plus classique et plus organisé, aspect plus attendu aussi dans des institutions relevant de financements privés pour la plupart :
- le musée Herakleidon présentait une exposition Sol Lewitt : des petits formats de dessin ou d’aquarelle offrant une approche du processus de création de l’artiste,
- le musée Frissiras présentait une exposition « Noir et blanc », un ensemble exceptionnel de dessins d’artistes grecs et européens (entre autres David Hockney, Dado, Valerio Adami, Edouardo Arroyo, Antonio Segui, Jean Rustin…)
- la Fondation Deste, centre d’art conçu comme un « monument à la modernité » revu par l’architecte Nikolas Travasaros, qui abritait jusqu’à fin octobre une exposition des collections FACE (réunion de collections privées comme la fondation DESTE ou la Maison Rouge à Paris).
- Le musée d’art byzantin, outre ses collections permanentes présentées dans d’excellentes conditions, comportait une remarquable exposition d’art contemporain : Louise Bourgeois, Iannis Kounellis…
- le Musée National d’Art Contemporain, « EMST », était quasiment vide lors de notre passage : l’exposition d’été avait été prolongée mais était décrochée fin octobre sans que l’EMST ait pu produire une autre exposition ou une installation de ses collections.
Enfin, les athéniens ne se laissent pas décourager par l’adversité et tentent de maintenir une vie artistique foisonnante : en témoignent deux évènements que nous avons pu suivre en partie :
Remap 3 est un parcours au sein de galeries, ateliers d’artistes et lieux alternatifs organisé en marge mais avec le soutien de la Biennale ; nous avons ainsi été chaleureusement reçus à la galerie Atopos, organisation culturelle à but non lucratif, par Vassilis Zidianakis, co-fondateur de cette galerie d’un genre particulier : point de rencontre de différentes disciplines, Atopos se consacre à la recherche de projets innovants d’intérêt international puis trouve ensuite les moyens et les artistes pour les mettre en œuvre ; lors de notre visite, Atopos présentait une exposition « Peepee » d’œuvres réalisées par les frères Ionas, vidéos mais aussi objets brodés ou tissés par leur maman… Avec une prédilection pour la mode et le textile, la galerie est aussi maison d’édition et produit catalogues et objets.
The Fashion week commençait pendant notre séjour : à l’occasion de cette manifestation, des espaces d’une ancienne usine à gaz réhabilitée avaient été confiés à de jeunes artistes qui présentaient leur regard sur la mode : des pièces souvent amusantes et mises en valeur par l’atmosphère des lieux. Cerise sur le gâteau : nous avons été invités au vernissage de l’exposition et à l’inauguration de la semaine de la mode, avec son défilé de mode des jeunes créateurs du moment…
Malgré les manifestations et les grèves, la vie continue donc à Athènes, et l’activité artistique aussi : une ou deux pièces seulement dans la biennale rendaient compte des évènements et de la situation en Grèce, comme les photographies de Spiros Staveris offrant des images lumineuses de manifestations place Syntagma. Il faut dire que la production artistique relève davantage de financements privés que du soutien de la collectivité publique, en témoignent les petites structures comme la galerie Atopos mais aussi les grandes institutions,
comme le Centre culturel Onassis, doté d’une salle de spectacles de 900 places, d’un auditorium de 200 places, d’une salle d’exposition, et réalisé par Architecture Studio ; c’est d’ailleurs dans le domaine de l’architecture que s’exprime le mieux la politique culturelle : le nouveau musée de l’Acropole conçu par l’architecte Bernard Tschumi et réalisé avec des fonds européens, suffit à montrer que le riche passé de la Grèce concentre tous les moyens de l’Etat.
Les participants ont aussi profité du soleil pour confronter leur vision de l'art contemporain avec le patrimoine de la Grèce antique, de l'Acropole à l'ascension du Lycabette en passant par le cap Sounion et son site majestueux. Cette effervescence a donné lieu à des débats animés et chaleureux au sein des Ailes du désir, comme en témoigne cette photo où des participants partageaient un diner grec à la "cantine" de la Biennale, à côté de la tablée réunissant le staff des médiateurs de la Biennale.