Une première journée ensoleillée et printanière nous a permis de découvrir la ville de Metz.
Balade à travers les vieux quartiers, visite de l’exposition du FRAC Les Immémoriales qui réunit des pièces de Agnes Denes (photographies d’archives), Cecilia Vicuma (installations orientées vers la symbolique du tissage), Monica Grzymala (installation éphémère de papier artisanal et fil de pêche). Trois artistes qui ont en commun une conscience éthique et esthétique « qui guide leur rapport au monde et aux autres, un art éphémère, passager et habité par la mémoire vive des peuples premiers », mais c’est la pièce de Monica Grzymala, blanche, élégante et fragile, qui marquera la mémoire de nos visiteurs ailés.
Bref arrêt place de la République, pour goûter l’ambiance du festival « Passages », festival des théâtres à l’Est de l’Europe et ailleurs et pour visiter l’Arsenal, une des dix meilleures salles de concert au monde dont Ricardo Boffill a doté Metz. Samedi soir, nous avons profité de la Nuit des Musées au Centre Pompidou pour une première approche des expositions et pour les événements festifs de la soirée (installation vidéo-performance de la chorégraphe Kitsou Dubois).
Dimanche, changement d’ambiance, la pluie s’est invitée à notre excursion à Luxembourg.
Nous avons commencé par visiter le MUDAM, musée d’art moderne Grand-Duc Jean édifié par Ieoh Ming Pei : vaste et lumineux, le bâtiment dialogue avec les œuvres exposées. La collection, comme les expositions temporaires, apporte une attention particulière aux productions régionales les plus significatives (Wim Delvoye, Folkert de Jong et ses sculptures/marionnettes grandeur nature, Robert Knoth et Antoinette de Jong et leur remarquable installation vidéo Poppy-trails of afghan heroin …), sans négliger la création contemporaine internationale comme cette grande installation de Thomas Hirschhorn « World Airport », ou les pièces si sensibles et généreuses de Félix Gonzalez-Torres et celles de Tacita Dean dans l’exposition L’Image papillon qui explore les relations complexes entre l’image et la mémoire. Passant entre les gouttes de pluie, nous atteignons la Philharmonie, remarquable salle de concert voisine du MUDAM édifiée par Christian de Portzamparc.
Entre deux averses, nous rejoignons le centre d’art contemporain « Casino », histoire de jeter un œil abrité sur la ville depuis le belvédère. Encore un espace de découverte d’artistes que nous connaissons peu pour la plupart, marqués par la culture musicale du métal extrême : Damien Deroubaix, Banks Violette, Elodie Lesourd. Et l’occasion de revoir pendant un moment quelques épisodes de Cremaster de Matthew Barney.
Lundi à Metz, la plupart d’entre nous se sont abrités dans les Musées de la Cour d’or, magnifique ensemble récemment réhabilité pour accueillir les collections tant historiques qu’artistiques de la Ville. La présentation soignée met en relief des ensembles cohérents de l’Ecole de Paris par exemple (Lapicque, Bissière, Vieira da Silva, Zao Wou-ki…), à mettre en parallèle des vitraux de Jacques Villon à la cathédrale de Metz.
Retour enfin au Centre Pompidou : pour la plupart, nous nous souviendrons encore longtemps du travail de Sol Lewitt ! La collection de l’artiste déjà montre l’ampleur et la diversité de sa pensée ; mais la présentation des dessins muraux de 1968 à 2007 témoigne plus encore de l’envergure d’une œuvre d’exception : 33 wall drawings reflétant la cohérence d’une recherche systématique et en même temps une incroyable diversité. Près de 80 personnes ont contribué à la réalisation de ces peintures à Metz pendant plusieurs mois, une dizaine de collaborateurs venus de l’atelier Sol Lewitt assistés d’artistes et étudiants des écoles d’art de Lorraine. Et quel effet que de contempler ces dessins en noir et blanc face aux larges baies vitrées du Centre Pompidou conçu par Shigeru Ban ! Autre œuvre remarquable que ces vastes espaces du Centre autorisent, Echo d’échos : vues plongeantes, travail in situ, de Daniel Buren. Grâce à un jeu de miroirs encadrés de rayures noires et blanches, l’artiste souligne et démultiplie la charpente aux formes courbes emblématique de l’édifice.
Pour finir notre expédition pluvieuse et nordique, la visite de l’exposition Vues d’en haut s’imposait en nous invitant à goûter de grands espaces. L’exposition explore l’impact de la photographie aérienne sur la création artistique, l’évolution de la représentation du monde non plus à hauteur d’yeux mais depuis l’espace, et de fait l’abandon de la perspective de la Renaissance. Un pas de plus vers le monde que nous laissait entrevoir la chorégraphe Kitsou Dubois dans les expérimentations qu’elle a menées au CNES et à l’agence spatiale européenne, abandonnant la perspective et même la gravité.
Et c’est ainsi que notre petit groupe a repris le TGV pour revenir à Poitiers, les têtes pleines d’images mais trempés jusqu’aux os…