Article du carnet de bord

Lumière de la Loire, soleil de printemps...

Vallon des Brumes, Chaumont

Pas vraiment exotique puisqu’à seulement une centaine de kilomètres de Poitiers, et pourtant, le week-end que proposait Les Ailes du désir en val de Loire a permis un dépaysement total.

Première escale au « château des fées », domaine du Rivau : somptueux parcours dans les jardins où fleurissent à profusion roses et iris parsemés d’installations d’artistes, ainsi que dans le château (qui rappelle à maints égards la présentation du Musée de la Chasse et de la Nature à Paris) où les œuvres d’artistes côtoient armes et trophées de chasse en bonne intelligence ; premiers contacts avec Dominique BAILLY (dont nous retrouvons la mémoire le soir à la Maison Max Ernst) et sa Tour au Bois dormant, Julien SALAUD (auteur également de l’installation de l’année à Fontevrault), Nadia SABOURIN (bien connue des amateurs de Poitiers où elle enseigne aux Beaux-arts)… Pique-nique avec les oiseaux, les paons, et les animaux sortis de l’imagination d’artistes.

Direction l’abbaye de Fontevrault ; le parcours est moins bucolique mais les œuvres installées dans l’abbaye valent le détour : Mort en été de Claude LEVEQUE permet de s’isoler, allongé dans une des barques, et de rejoindre en esprit les lumières rouges brumeuses en apesanteur au-dessus ; la Crypte des effraies de Julien SALAUD, installée depuis peu dans les caves de l’abbesse, provoque aussi une forte impression dans une lumière verte et bleue plus souterraine qui traverse des toiles d’araignée emprisonnant des silhouettes de chouettes.

Dernière étape de cette première journée, à Huismes à côté de Chinon, où nous rencontrons une personnalité hors du commun, Dominique MARCHES. Avec sa compagne Dominique BAILLY, il avait repris la Maison de Max ERNST voici une dizaine d’années ; la fréquentation de cette maison, l’installation de leurs lieux de travail pour lui-même et Dominique BAILLY dans la continuité des ateliers de Max ERNST et de son épouse Dorothea TANNING, a permis à Dominique MARCHES d’approcher de près le processus de création des artistes. Un véritable esprit créatif et artistique règne sur cette maison, que Dominique MARCHES, seul maintenant depuis la disparition de Dominique BAILLY, souhaite perpétuer ; des rencontres, expositions, conférences sont proposées au public, ainsi que des résidences ; l’écrivain Camille DE TOLEDO est actuellement en résidence et propose régulièrement au public des rendez-vous ;  quoi de plus normal lorsqu’on connait la passion de Dominique Marchès pour transmettre son amour de l’art, comme il l’a montré avant à Chateauroux, Vassivière, Chamarande et Chinon ? Notre guide nous a ouvert les portes de l’atelier de Dominique Bailly, espace plein de la sensibilité de l’artiste qui s’étale aussi dans le jardin ; bientôt, un centre d’art édifié dans ce jardin abritera l’œuvre de Dominique Bailly ainsi que des expositions temporaires avec toujours le même souci de la transmission au public, c’est aujourd’hui la grande ambition de Dominique Marchès ; nous avons eu la chance d'aborder la pratique photographique de Dominique MARCHES, un travail passionnant sur lequel il reste pourtant discret.

       

Rendez-vous dimanche au Centre de Création artistique Olivier Debré à Tours, où nous retrouvons Ludivine pour quelques commentaires sur le Centre et Olivier DEBRÉ : ouvert depuis quelques mois en plein centre-ville, ce centre par son architecture et son rôle dans la cité place l’art contemporain au premier rang des préoccupations urbaines. En ce moment, y sont exposés les Nymphéas, enfin ceux d’Olivier DEBRÉ ; ceux-ci témoignent de la lumière exceptionnelle qui règne sur la Loire, immenses toiles où se côtoient des surfaces quasi aquarellées et des détails pleins de matière picturale.

 

Au château de Tours, nous avons poursuivi avec une autre personnalité de l’art de la deuxième moitié du 20ème siècle, le photographe Lucien HERVÉ, connu pour ses photos d’architecture et particulièrement de celle de Le Corbusier ; mais son œuvre photographique ne se réduit pas à la géométrie de l’espace et de la lumière, on y trouve partout la présence du « vivant ». Relais du Musée du Jeu de paume orienté photographie qui propose cet hommage à Lucien HERVÉ, le château accueille aussi deux autres expositions d’artistes contemporains ,les carnets de voyage et photographies de Yers KELLER et les vidéos de Nikolas CHASSER SKILBECK.

Avant de quitter Tours, un petit tour au musée des Beaux-arts, pour ne pas manquer « La Fuite en Egypte » de Rembrandt et les deux panneaux de la prédelle du retable de San Zeno de Verone réalisé par Mantegna ; l’occasion de découvrir aussi les œuvres contemporaines que conserve le musée, de Hantaï à Morellet en passant par Monory, Isabelle Champion-Métadier ou Geneviève Asse, jusqu’aux grandes toiles d’Olivier Debré qui, comme les Nymphéas du Centre Olivier Debré, rendent compte de la lumière singulière de la vallée de la Loire.

Petit arrêt, pour certains, au bel Hôtel Gouin qui accueille une exposition produite par la galerie Capazza de Nançay d‘artistes verriers, Antoine Leperlier, Loretta Yang, Yi Chang, et en route pour être de bon matin à l’ouverture à Chaumont-sur-Loire en ce lundi de Pentecôte.

Inquiets  de l’évolution possible du temps dans la journée, la plupart ont commencé leur visite par les extérieurs : Festival des jardins et Prés du Goualoup ; on ne saurait citer toutes les œuvres disséminées dans ces espaces et dans le parc historique, mais certaines resteront longtemps en mémoire, comme le Volcan de Nils-Udo, Carbon Pool de Chris Drury, Etre là …un peu, de Bernard Lassus, ou le Jardin des nuées qui s’attardent de Wang Shu ; pour aller plus loin dans les nuages, un petit tour au Vallon des Brumes, et direction le Château, sans oublier les pièces pérennes disséminées dans le parc historique : Dominique Bailly y avait réalisé L’Abri, pour le château d’eau, et nous retrouvons aussi les sculptures de Christian Lapie (plus monumentales encore qu’au parc de Blossac à Poitiers !), le promontoire sur la Loire de Kawamata, l’amusant  Arbre aux échelles de François Méchain, la branche de Giuseppe Penone…

Le temps reste de la partie, et nous continuons avec le soleil à arpenter les communs du château :

Parmi les pièces les plus remarquables, citons l’immense pièce du ghanéen EL ANATSUI dans la galerie du Fenil, l’impressionnant et délicat Champ céleste de Duy Anh Nhan DUC, réalisé à partir de fleurs de pissenlit, dans l’Asinerie, où se trouve aussi la très fine Nature du pli de Simone PHEULPIN..

Dans le château, nous retrouvons les sculptures de laine de Sheila HICKS et découvrons celles de papier, retrouvons SARKIS et les vitraux réalisés pour le grenier, KOUNELLIS et sa forêt de poutres et de cloches dans les cuisines…

La journée ne suffit pas à embrasser tous ces rêves d’artistes, et nous quittons Chaumont en fin d’après-midi avec une légère frustration ; qu’à cela ne tienne, nous provoquerons d’autres occasions sur la route des vacances pour nous arrêter à Chaumont, voir et revoir les œuvres et les fleurs dans une autre saison et une autre lumière !